Si Marcel Proust a magnifié la madeleine en lui offrant l’onction du sacre littéraire, le spéculoos « made in Dandoy » jouit aussi d’une formidable aura. Et son histoire se confond avec celle de la Belgique naissante.


Ils se grignotent en dessert, à l’heure du thé ou quand on veut. Ils croquent sous la dent, se dégustent, se savourent, se mangent sans faim. Célébrés par de grands écrivains classiques, les biscuits (étymologiquement bis-cotus, cuit deux fois) ne sont-ils pas synonymes de douceur et de raffinement ? De gourmandise aussi. On raconte chez Dandoy que, plusieurs fois par semaine, deux hommes en complet gris venaient acheter des spéculoos et demandaient qu’on les casse en petits morceaux. Ils avoueront un jour qu’ils sont au service de Léopold III. Comme la princesse de Réthy lui interdisait de manger trop de sucreries… il les cachait au fond de ses poches juste avant de partir à la chasse.

Si la Maison Dandoy est faite de transmissions, elle sait aussi les remettre en question. Il est, en effet, primordial de trouver des solutions pour être en phase avec les enjeux écologiques et sociétaux de notre époque. En tant que biscuiterie familiale et traditionnelle néanmoins tournée vers l’avenir, Dandoy a décidé de faire de son empreinte carbone et du sourcing de ses matières premières une priorité. Faut-il préciser que, hier encore, les ingrédients du spéculoos (qui représente plus de 50 % de la production de biscuits) étaient considérés comme luxueux : du beurre frais, du sucre roux, des épices d’Orient (cannelle, girofle, muscade). Dorénavant, la farine utilisée sera de la farine issue à 100 % de l’agriculture régénérative. A savoir une agriculture locale qui assure la santé des sols, tout en recréant la biodiversité des terrains agricoles, et respectueuse de l’humain et de la collectivité. Dans la prolongation de cette démarche agro-écologique, Dandoy vient de créer un nouveau biscuit : la « tablette craquante », d’un format similaire à une tablette de chocolat. Dans deux saveurs différentes, amandes-caramel et figues-noix. 

La dynastie Dandoy

1829. L’arrière-arrière-arrière-grand-père, Jean-Baptiste Dandoy, boulanger à Uccle, ouvre sa première boutique rue Marché-aux-Herbes. La recette emblématique des spéculoos vient de lui. Aujourd’hui comme hier, la pâte gourmande est toujours pétrie à la main et pressée dans des moules en bois. Plus tard, son fils Philippe déménagera 31 rue au Beurre, à la Grand-Place. Pendant la première moitié du XXe siècle, la maison tient le cap sous la houlette de Jean-Philippe, petit-fils du fondateur, puis de sa fille Fernande et de son mari Valère Rombouts. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les stocks de farine étant rationnés, le seul biscuit fabriqué était la « biscotte sucrée ». C’est grâce à elle que Dandoy existe encore aujourd’hui ! Dans les années 1970, leur fils, Jean Rombouts-Dandoy, et son épouse Christiane apportent un souffle nouveau. Jean, ingénieur de formation, refusera même une offre d’emploi de la NASA pour continuer à faire des biscuits. On lui doit le fameux « pain à la grecque » qui reste à ce jour l’un des best-sellers de la collection. Après Jean et Christiane, c’est Christine, leur fille, et Bernard Helson, leur beau-fils, qui prennent la relève. De nouvelles boutiques ouvrent mais jamais la Maison Dandoy ne cède à la tentation de l’industrialisation, ni à celle de la délocalisation. En 2010, ils confient au prestigieux studio de création Base Design la tâche de recréer l’identité graphique de Dandoy. Les fameux « pois » dorés… Il y a deux ans, après 37 ans de bons et loyaux services, Bernard décide de laisser le futur de l’entreprise familiale entre les mains de ses fils Alexandre et Antoine. Les deux frères – qui, comme leurs aïeux, ont tous commencé à l’atelier – affirment vouloir une croissance saine pour l’entreprise. « On veut penser sur le long terme et laisser à nos enfants quelque chose dont on pourra être fiers. »

Et demain…

 Laissons la parole à la nouvelle génération : Sarah, responsable recherche & développement produits. C’est notamment elle qui imagine les nouveaux biscuits à croquer. Après une prépa scientifique aux grandes écoles françaises, elle a mené de front un Master en ingénierie alimentaire et un CAP pâtisserie en candidat libre. On lui doit les biscuits à index glycémique faible et les couques sans gluten. La jeune femme s’est aussi chargée de changer certains emballages afin de diminuer leur impact énergétique. Et bientôt un biscuit 100 % vegan. Parlons également de cette initiative entre Dandoy et le Brussels Beer Project, une brasserie bruxelloise qui s’est donné l’objectif de dépoussiérer sa bière d’abbaye. L’idée : faire une bière avec les brisures et les invendus de spéculoos et, chez Dandoy, faire un biscuit avec les drêches (résidus des céréales utilisées lors de la cuisson de la bière). Baptisés « Tough Cookie », les deux produits ont été relookés : la bouteille de bière avec les « pois » Dandoy sur l’étiquette et le logo de la brasserie visible sur le paquet de biscuits. On appelle cela une économie circulaire.

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