Le jean ? Un basique, disent les néophytes. Un must, répondent les fashionistas. Pour rajeunir, le « denim » s’offre une petite cure de luxe. Délavé, usé, déchiré ou customisé, il se marie aux bijoux précieux ou au sac croco. Et les créateurs ne craignent plus d’afficher leur nom sur la toile favorite des cow-boys américains.


« Je n’ai qu’un seul regret. C’est de ne pas avoir inventé le blue-jean. » Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Yves Saint-Laurent, qui fut le premier à le faire défiler en 1970. Lequel aura révolutionné la mode, lancé une griffe prestigieuse et accompagné l’émancipation des femmes. C’est assurément « le » vêtement du XXe siècle qui, toujours dixit le couturier parisien, a aboli les classes sociales et lancé l’unisexe.

Pourtant, il paraît que les ados du troisième millénaire en portent moins. Le western, ça ne vend plus ! Difficile à croire : quand on regarde la rue, tout le monde est en jean. Filles ou garçons, jeunes, vieux, petits, grands, gros ou minces, bourgeois, prolétaires, post-soixantuitards ou néodandys. Tous pareils vus de loin mais de près pas un identique. C’est même fascinant de voir à quel point chaque génération réinterprète ce morceau de toile revêche. Car, au départ, le jean est une toile de coton mélangé, solide, résistante, rêche, voire grossière, qui viendrait du nord de l’Italie et serait tissée à Nîmes (d’où le nom « denim »), puis exportée vers la Californie par un certain Levi Strauss (1829-1902), Juif bavarois émigré aux Etats-Unis en 1847. Il s’était installé à San Francisco comme marchand de tissu. Là, il aurait eu l’idée géniale d’utiliser la « toile de Nîmes » pour confectionner des pantalons inusables, renforcés par des rivets en cuivre au niveau des points sensibles (poches, braguettes) : les premiers jeans.

« L’iconique Levi’s 501 »

Au départ d’une couleur beigeasse, ce tissu sera vite teinté en bleu indigo pour en faire un vêtement de travail moins salissant. « A star is born ! » Et puisqu’on parle de « star », citons l’iconique Levi’s 501, nom donné par la firme américaine à son modèle de blue-jean emblématique. La version d’après-guerre du 501 est l’archétype du jean caractérisé par ses cinq poches, sa braguette à boutons métalliques (jamais de fermeture Eclair !), ses surpiqûres orange assorties au cuivre des rivets, la petite étiquette rouge arrière et celle de cuir cousue à la taille. Ce pantalon coupé droit (qui pulvérise tous les records de vente durant la seconde moitié du XXe siècle) sera mythifié par Andy Warhol « himself » qui le portait avec une chemise à carreaux et un blazer bleu marine, créant ainsi « le » nouveau « dress code » de la modernité bourgeoise occidentale. Le saviez-vous ? 150.000 $, c’est le prix payé lors d’une vente aux enchères à Houston pour un jean « destroy » datant de 1879, soit le plus vieux jean (portable ?) du monde. Autre record : 27.000 $ pour ce jean Levi’s customisé par Damien Hirst, l’un des artistes contemporains les plus cher du monde. Importable mais « absolutely fabulous » !  

« Tendance 2020 »

Jeune et jean : la fin d’un grand amour ? Non. Le jean est et reste un « classique » dans nos garde-robes. Ce n’est pas parce qu’il est entré dans l’histoire qu’il sort du quotidien ! Mais, comme nous, comme la société, comme l’air du temps, le jean a évolué. Aujourd’hui, il est concurrencé par d’autres tissus faciles à porter et il n’a plus le monopole de l’habillement chez les moins de 20 ans. Si les traditionnels Levi’s, Wrangler ou Lee ont connu des moments de doute (NDLR : un affaissement de 8% en 2000 estimé par Levi’s pour le marché européen), ces potentats américains du jean ont réussi à maintenir le cap, quitte à sortir des sentiers battus à grand renfort de « boot cup », « loose taper », « curve ID » et autre « skinny ». Leurs rivaux : les nouvelles marques de niche trendy comme Jacob Cohen, Diesel, APC, Pepe, G-Star, J Brand, Cheap Monday, Eleven Paris, Nudie Jeans, Acquaverde ou Seven. Mais aussi les couturiers du prêt-à-porter qui proposent (presque) tous une ligne « jeans », de Marc Jacobs à Helmut Lang, en passant par Calvin Klein, Versace, Armani, Balmain, Tommy Hilfiger, etc. Même la Maison Chanel utilise la toile denim dans ses collections. Sans oublier, bien sûr, les jeans vendus à bas prix dans la grande distribution.

Délavé, effiloché, savamment déchiré au niveau du genou, customisé, strassé, brodé, rapiécé, cet été, le jean revient en force dans les collections. Comment le porter ? On opte pour une taille haute et une coupe décontractée (jean droit). Pour un style preppy, on le porte avec une paire de mocassins, une chemise blanche et une veste de blazer. Comme Andy Warhol ! En plein revival seventies, le jean « flare » opère aussi un retour remarqué. Moulant jusqu’au genou, puis évasé (façon patte d’eph’), comme le jean « slim » il allonge la silhouette (féminine) et affine la taille. Quant au jean « mom » (le « jean de maman »), seyant et confortable, il est devenu un incontournable. Coqueluche des années 70, puis réhabilité dans les années 90, il nous fait de l’œil avec sa taille haute et sa coupe droite. Si le jean est l’un des vêtements les plus « polluants » de la planète, de nombreuses marques proposent des alternatives écoresponsables : des jeans fabriqués à partir de coton bio, voire de tissus recyclés, en utilisant moins d’eau, zéro composants chimiques, délavés au laser… La bonne nouvelle ? Il reste toujours aussi stylé. 

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