Durant l’été 1944, le monde entier découvrait un petit véhicule qui allait ouvrir de nouvelles perspectives à l’automobile. Sa vocation première était d’être militaire. Mais quand vint la démobilisation, il fut rapidement adopté par les civils en quête d’aventure !


Nous sommes en 1940. L’armée américaine, toujours à la pointe de l’équipement, se dit qu’il lui faut un véhicule d’un genre nouveau. Il doit être compact, facile à transporter, pouvoir emmener quatre GI et, surtout, il doit passer partout. Absolument partout. Un appel d’offres est alors lancé auprès de cent trente-cinq entreprises, qui doivent, sous quarante-neuf jours, proposer un prototype roulant de véhicule de reconnaissance à transmission 4×4. Deux constructeurs audacieux relèvent le défi : Willys-Overland et Bantam. Pour ce dernier, alors au bord de la faillite, c’est le pari de la dernière chance. N’ayant même plus d’ingénieur maison, il convainc un free-lance de travailler gratuitement. Bonne pioche apparemment car c’est ce projet du bénévole, nommé BRC (pour Bantam Reconnaissance Car), créé en deux jours à peine, que sélectionne l’US Army.

Le nom mystérieux

Mais il y a un problème : parce qu’il est déjà agonisant, le constructeur Bantam n’a pas la capacité de production suffisante pour répondre à la demande du gouvernement américain. Et vous allez voir que c’est important pour l’histoire de Jeep. Car du coup, Willys et Ford reçoivent une licence pour produire eux aussi la BRC, ainsi que le droit d’y apporter toutes les améliorations jugées nécessaires. C’est finalement Willys qui fait le meilleur job, et devient ainsi le constructeur officiel de Jeep. Mais il reste une dernière chose importante à retenir, un détail qui fait partie intégrante du mythe de la marque. Les Willys reprennent une modification que l’on doit aux ingénieurs Ford : une grille avant barrée de sept ouvertures verticales. La signature éternelle de Jeep est née !

Mais au fait, d’où vient le nom « Jeep » ? C’est un grand mystère sur lequel les historiens s’arrachent encore les cheveux aujourd’hui. Pour certains, c’est une contraction des lettres GP, pour General Purpose ou Government Purpose, qui se prononcent « Dji-pi » en anglais. Ca se tient. Pour d’autres, c’est une référence à Eugène The Jeep, animal imaginaire et compagnon de Popeye. Une créature petite, agile, se déplaçant à travers le temps et l’espace et pouvant résoudre des problèmes insolubles. On comprend bien l’association avec le véhicule. D’autres, enfin, soulignent que « jeep » était déjà un vieux mot d’argot militaire américain, par lequel les techniciens désignaient tous types de véhicules – du tracteur au bombardier – qui n’avaient pas encore passé l’épreuve des tests.

Dans tout cela, on n’est sûr que d’une chose. Le véhicule est dévoilé de façon assez spectaculaire début 1941, puisqu’on lui fait remonter les marches du Capitole, à Washington. Et c’est le pilote essayeur qui lâche le mot, quand un journaliste lui demande comment s’appelle cet engin prodigieux. « It’s a jeep », dit-il. Peu à peu, le mot va s’imposer de lui-même auprès du public et des soldats. Si bien que pour ne pas se le faire piquer, Willys en dépose le copyright en 1943.

Icône éternelle

Parce qu’elle est un symbole de libération, la silhouette de la Jeep va pour toujours marquer les esprits. Et cette forme mythique consolidera ensuite sa légende loin des champs de bataille, puisque sa carrière militaire n’était qu’un début. Rapidement, les civils, séduits par son iconographie et par ses capacités tout-terrain, veulent rouler en Jeep. Ils s’accaparent d’abord des versions militaires achetées dans les surplus, puis, comprenant le potentiel commercial du véhicule, Willys lance en 1945 la première CJ, ce qui signifie Civilian Jeep. C’est le début d’une grande histoire, d’une évolution douce, qui donne aujourd’hui la Wrangler. Personne ne s’y trompe : le look de l’actuelle génération est toujours dans la lignée de la Willys originelle et c’est toujours au premier coup d’œil qu’on reconnaît une Jeep. Disons plutôt LA Jeep. Car si la Wrangler est l’archétype de la marque, elle fait partie d’une famille qui n’a pas tardé à s’agrandir.

Le premier SUV

On peut, en effet, le dire, Jeep a inventé un concept dont la popularité est croissante depuis une vingtaine d’années : le SUV. Si on définit le SUV comme étant « un véhicule 4×4 au confort bourgeois, voire luxueux », un 4×4 gentrifié en somme, le premier véhicule du genre apparaît en 1948 : la Jeepster est une déclinaison abaissée, cabriolet et chic de la CJ, destinée à une clientèle aisée à la recherche d’un véhicule différent. Mais admettons, ce n’était qu’un concept adapté d’une base rustique. En 1963, Jeep lance le premier SUV à part entière, le premier 4×4 réellement luxueux, le majestueux Wagoneer. Un nom qui reviendra d’ailleurs dans le courant de l’année 2021, et désignera, comme alors, le SUV le plus haut de gamme de Jeep.

Un 80e anniversaire chargé

Pour ses 80 ans, Jeep a prévu une année très bien remplie. Car le Grand Wagoneer que nous venons d’évoquer sera loin d’être la seule nouveauté de l’année. Jugez plutôt : cette année, après le charismatique et très attendu pick-up Gladiator, lancé il y a quelques semaines, arriveront un nouveau Grand Cherokee, une version hybride rechargeable 4Xe du Wrangler, et une mise à jour du best-seller européen de la marque, la Compass. Soulignons au passage que chez Jeep, l’inévitable électrification n’est en rien synonyme de sacrifice de l’ADN. Car que ce soit sur la Renegade, la Compass, la Wrangler ou les autres qui suivront, le moteur électrique du système hybride est une partie intégrante de la transmission 4×4, garantissant toujours des capacités de franchissement dignes de la légende de la marque. Qu’on se le dise !

Enfin, Jeep marquera aussi le coup en proposant des éditions spéciales « 80th Anniversary » des Renegade, Compass, Wrangler et Gladiator. Leurs signes distinctifs seront des badges commémoratifs reprenant la silhouette de la Willys et des habillages intérieurs spécifiques qui feront de ces éditions de potentiels collectors. Basées sur les versions les plus populaires de chaque modèle, les Jeep 80th Anniversary recevront des équipements supplémentaires que nous ne pouvons détailler ici. Nous citerons juste de nouveaux écrans tactiles de 8,4 à 10,1 pouces selon le modèle. Ecrans qui, au démarrage, afficheront tous un message évocateur : « Since 1941 ».

Toujours en forme

Au moment de souffler quatre-vingts bougies, la marque est donc plus dynamique que jamais. Mieux : elle va d’année record en année record. Par exemple, en dix ans, profitant de l’attrait pour un genre de véhicules qu’elle a créé, Jeep a quintuplé ses ventes et a dépassé les 1,5 million d’unités en 2020. De quoi voir venir les quatre-vingts prochaines années avec sérénité, au sein d’un nouveau géant automobile (Stellantis) dans lequel Jeep est l’un des plus solides piliers, avec une réputation on ne peut plus établie sur la planète entière. Qui ne rêverait d’être aussi en forme à 80 balais ?

Members Only freelance reporter

Comments are closed.