Enseigne d’Enghien, les Cuberdons Léopold rendent à la friandise belge ses lettres de noblesse. Fondée il y a dix ans, cette maison artisanale a élargi son registre aux guimauves, aux sablés, aux nougats et autres pâtes à fruits haut de gamme. Cette année, elle poursuit sa collaboration avec le designer Charles Kaizin pour l’habillage de sa boîte iconique.


Friandise connue de tous les Belges, le cuberdon est un bonbon au goût de framboise entouré de mystères. Il serait né en Flandres dans la seconde moitié du XIXe siècle. Son origine est toutefois discutée car plusieurs villes s’en attribuent la paternité. Dans la Venise du Nord, on prétend que la mise au point du cuberdon serait due à un ecclésiastique local. Pour preuve, un peu partout dans la région, il est également appelé « bonnet de curé ». Pour les Gantois, le bonbon a été créé par un pharmacien local, en 1873. Il faut savoir qu’à l’époque, dans les officines, les médicaments (ou plutôt les remèdes) étaient servis sous forme de sirop. Après avoir oublié une préparation sucrée dans un coin, ce pharmacien se serait aperçu, après quelques jours, qu’une croûte s’était formée autour d’un cœur resté coulant. Il l’aurait goûtée, puis se serait attelé à la reproduire.

L’hypothèse semble plausible : le hasard est à l’origine de nombreuses préparations culinaires. Et la fabrication du cuberdon reste un véritable défi pour un confiseur. Celui-ci commence par faire un sirop de sucre et d’eau qu’il laisse cuire. Les secrets de fabrication d’une enseigne à l’autre résidaient autrefois dans la préparation de ce sirop. Un ingrédient nécessaire à la mise au point est la gomme arabique. Il s’agit d’un émulsifiant naturel (de la sève d’acacia) très utilisé dans l’industrie pharmaceutique et en confiserie, notamment pour la préparation de guimauves, de loukoums, de dragées ou de chewing-gums. Déjà utilisée dans l’Egypte ancienne, cette gomme fut ramenée dans les ports européens par des navigateurs qui l’avaient découverte au Sénégal au XVIe siècle.

Une histoire belge

Le confiseur intègre au sirop un coulis de framboises, puis procède au moulage. Le sirop est alors coulé sur des plaques où sont creusées les formes coniques qui donnent au bonbon son aspect pyramidal. La préparation repose ensuite sept jours en chambre de maturation à une certaine température jusqu’à la formation d’une croûte. Les cuberdons sont ensuite démoulés, époussetés, pour enlever l’excès de sucre, et emballés. La friandise doit être consommée dans les deux mois car au-delà de sept à huit semaines, l’intérieur normalement coulant se cristallise. Elle est impossible à congeler ou à garder au réfrigérateur, ce qui explique, sans doute, pourquoi elle est restée à l’intérieur de nos frontières. Longtemps réservée à la Flandre, la friandise a été adoptée par les confiseurs bruxellois et wallons après qu’ils l’eurent découverte avec le développement du tourisme vers la côte belge, à partir des années 1930, puis grâce à l’Expo 58.

Le marché a évolué ces dernières décennies. La plupart des confiseurs artisanaux ont disparu, laissant le marché du cuberdon dans les mains d’une poignée d’entreprises semi-industrielles orientées vers les grandes surfaces. Il reste quelques rares initiatives artisanales, à l’instar de Fanny Bourguignon et ses cuberdons à Baudour. On trouve les friandises de cette maison familiale sur les marchés de la région.

Des lettres de noblesse

Avec la reprise de la Confiserie Léopold d’Enghien, courant 2013, David et Anne Decroix souhaitent faire revivre cette friandise inscrite dans notre patrimoine gourmand. Leur ambition : lui rendre ses lettres de noblesse. Le confiseur commence par revoir la recette traditionnelle à laquelle il apporte sa touche, limitant le sucre. La production de son cône violet reste toutefois complètement artisanale, préparée avec des ingrédients naturels. Celle-ci respecte les sept jours de repos nécessaires à la transformation du sirop dans le cône. Côté parfum, il ne s’égare pas, se limite à l’arôme traditionnel du cuberdon : la framboise.

Lors du lancement de son produit, le couple Decroix travaille le packaging et la communication. L’entrepreneur se positionne sur un segment haut de gamme, vantant le mélange de tradition et de modernité que porte la friandise. Le nom de « Léopold » est un hommage à Léopold Ier, premier roi des Belges, qui prêta serment sur la Constitution le 21 juillet 1831. Son conditionnement de référence présente 21 cuberdons, clin d’œil à la Fête nationale belge.

Les Cuberdons Léopold sont par ailleurs présentés dans des écrins ou dans un packaging haut de gamme. Leur distribution est également aux antipodes du schéma classique d’un produit de confiserie. La maison se concentre sur les épiceries fines (Rob, The Gourmets’ Market), certaines enseignes de proximité de qualité (Delitraiteur), quelques traiteurs reconnus, « concept store », librairies et autres cavistes. La vente en ligne via le site de l’entreprise est également développée. Enfin, insiste le confiseur, « des initiatives sont menées avec le monde de l’entreprise pour les cadeaux à destination des clients, des relations d’affaires ou des collaborateurs. C’est un segment de ventes très important pour nous. Toute notre gamme peut être personnalisée et préparée sur mesure, soit en cadeaux, soit pour fêter un événement privé ».

Marché belge

Pour les fêtes de fin d’année, la maison s’associe à une « bulle », une méthode champenoise belge ou un champagne. Elle réunit pour l’occasion dans un coffret ou une boîte à chapeau sa production avec une bouteille d’un domaine belge réputé comme le Ruffus, du domaine des Agaises, ou le vin du domaine du Chant d’Eole. Le Domaine Pommery, que l’on sait lié à la Belgique, a également été un partenaire. La fraîcheur du chardonnay se marie bien avec la délicatesse du cuberdon en fin de repas.

L’enseigne s’est également ouverte aux collaborations extérieures. En 2020, l’iconique boîte de 21 Cuberdons Léopold a été customisée, empruntant au surréalisme et au peintre René Magritte quatre symboles connus, comme l’oiseau de l’œuvre « L’Oiseau de Ciel », la pipe provenant de « La Trahison des images » ou la phrase « Ceci n’est pas une pipe ». Depuis deux ans, les Cuberdons Léopold s’associent avec le designer Charles Kaisin pour l’habillage de cette boîte. Une association justifiée vu les sympathies affirmées de ce designer pour la belgitude. Ses dîners surréalistes l’ont rendu internationalement célèbre. Cette année, pour les Cuberdons Léopold, Charles Kaisin intègre dans la boîte un crayon et un patron à réaliser rappelant le modèle des cahiers de coloriage d’antan. En reliant les points, le dessinateur voit apparaître une forme bien connue des Belges. A découvrir.

Une large gamme

Le marché des Cuberdons Léopold reste concentré sur la Belgique vu l’impossibilité de congélation et la période limitée de consommation. L’enseigne a toutefois développé une gamme de produits autour du même parfum de framboise : un sirop de cuberdon, des guimauves, une confiture ou des sablés. Plus récemment, une pâte à fruits et un nougat ont été créés.

La pâte de fruits est une confiserie dont l’origine remonte au Xe siècle. Les gens confisaient autrefois les fruits cueillis l’été pour les manger en hiver. Pour reproduire le goût de fruits purs, les Cuberdons Léopold limitent les ingrédients. Les purées de fruits sont composées de 70% de fruits, de sucre et de sirop de glucose, de pectine, d’acide citrique et de l’arôme naturel des Cuberdons Léopold. Aucun conservateur, ni arôme ou colorant artificiel ! La préparation exige savoir-faire et précision. Sans ceux-ci, vous faites de la confiture !

Comme les cuberdons, les Nougats Léopold sont fabriqués à l’ancienne, dans des chaudrons en cuivre. Le cuivre est un excellent conducteur de chaleur, permettant de chauffer le blanc d’œuf de manière homogène, sans le brûler ni le colorer. Tendres et croquants grâce aux amandes, les nougats se distinguent par l’arôme de framboise typique des Cuberdons Léopold et par une pointe de fleur de sel.
Ils contiennent également des morceaux de canneberge, un fruit apprécié pour ses qualités anti-oxydantes. Les nougats enrichissent la gamme de l’enseigne qui compte plusieurs autres déclinaisons comme le sirop, les cuberdons à tartiner, les guimauves et les sablés.

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