Mode et déco font bon ménage ! Il y a un an, lors de la Design Week, à Milan, la Maison Dior créait l’événement en réinventant sa chaise fétiche, celle que le couturier utilisait à l’époque pour asseoir ses invitées lors des défilés. Aujourd’hui, l’aventure continue et la « Médaillon » a été revue et corrigée par Philippe Starck « himself ».


C’était la quintessence du style Louis XV, l’apothéose du mobilier français XVIIIe. Une chaise classique, sobre, élégante, créée par l’ébéniste Louis Delanois en 1769. Cette chaise, au dossier ovale en forme de médaillon, était tapissée à l’origine de cannage et de toile de Jouy. Symbole du chic parisien, elle fut choisie parmi toutes les autres par Christian Dior et trônait en bonne place (dans une version « rose et gris », le fameux rose poudré Dior) lors des défilés haute couture organisés avenue Montaigne dès 1947.  

Milan, septembre 2021. A l’occasion du Salone Del Mobile, Dior demande à 17 artistes, designers et décorateurs en vue de customiser la chaise médaillon. L’idée : la moderniser et la réinventer selon leur propre vision et leur sensibilité culturelle. Pour cela, la maison a fait appel à des créateurs venus des quatre coins du monde, dont le studio de design Nendo, la peintre Joy de Rohan Chabot, Dimore Studio, le designer Sam Baron, l’architecte d’intérieur Martino Gamper, les artistes japonais Seungjin Yang et Tokujin Yoshioka… Pour l’occasion, le grand décorateur parisien Pierre Yovanovitch a imaginé le duo ludique « Monsieur et Madame Dior », deux chaises médaillon en ferronnerie noire, aux courbes épurées, habillées de la célèbre « toile Oblique » (jaune et marron clair) inventée en 1967 par Marc Bohan, « un clin d’œil à la fois contemporain et rebelle », dit-il. Quant à l‘architecte d’origine franco-irano-égyptienne India Mahdavi, elle s’est dite « amusée de créer une ‘tribu’ de cinq pièces en les retapissant de motifs de crochet de laine à l’indienne aux couleurs vives, la chaise médaillon symbolisant une certaine France classique, une élégance typiquement française ».

Si certains d’entre eux ont paré la chaise de tissus précieux, l’ont tapissée de rayures en noir et blanc, d’autres l’ont transformée en chaise tantôt minimaliste et complètement transparente, tantôt rétro-futuriste et résolument hypnotique, tantôt réfléchissante et sculptée, noire et librement esquissée, ou encore en chaise flamboyante ornée de fleurs (en métal) dorées à la feuille d’or. Chacune de ces créations a été exposée au Palazzo Citterio, à Milan. Et vendue au profit d’une œuvre de bienfaisance présidée par la Maison Dior.

Baptisée « Miss Dior »

Cette année, c’est l’emblématique designer Philippe Starck qui a été invité à réinterpréter la chaise médaillon. Le créateur mondialement connu a conçu une chaise, baptisée « Miss Dior », hommage à la féminité, au croisement de l’audace et de la grâce. Habité par une « passion du minimal », Starck a affiné la structure du siège à l’extrême, recherchant l’épure absolue de sa silhouette, soulignée plus encore par la légèreté de l’aluminium, dont il apprécie la durabilité, ainsi que la précieuse simplicité. Fabriquée en Italie, cette chaise reflète la volonté du créateur français d’explorer le mythe qu’incarne à ses yeux la chaise médaillon, pour en révéler la quintessence, « l’épine dorsale », à travers trois modèles d’exception. Avec deux, un seul ou sans accoudoirs. Elevée au rang d’objet d’art, cette création à l’élégance intemporelle se déploie dans différentes nuances, polies ou satinées, à l’instar du chrome noir, du cuivre rose ou de l’or. 

La chaise « Miss Dior » sera disponible dans une sélection de boutiques Dior dès la fin de l’année, ainsi que sur commande dans l’ensemble des adresses de la maison.

Faut-il rappeler que toute sa vie, Philippe Starck a essayé d’inventer un langage à partir des objets, un vocabulaire de la séduction, « faisant de la technique un élément de la représentation et du spectacle une performance technique ». Il n’existe pas de style Starck qui ne soit la liberté de faire ce qu’il veut, comme il veut. Le design, dit-il, c’est 98 % de bon sens et 2 % de futilité. Il sait tout dessiner, un fauteuil, une lampe, une baignoire, une brosse à dents, une théière électrique, un presse-citron, des lunettes ultralégères (4 g) dont les articulations sont inspirées d’une clavicule humaine, la Freebox Revolution, la flamme olympique pour les J.O. d’Albertville (1992). Mais aussi une auto, une moto, un méga-yacht, une maison en kit. Il aurait même inventé le concept de boutique-hôtel et imaginé l’aménagement des futurs modules spatiaux (pour Axiom Space) ! A 70 ans passés, Philippe Starck serait l’auteur de plus de dix mille objets ! Une véritable éthique de l’invention. Le design est aussi là, dit-il, « pour essayer de rendre supportable des objets obligatoires ».

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