Si, de tout temps, il a été du privilège des rois de s’approprier les plus beaux joyaux, nulle part autant qu’en Inde cette prérogative n’a été aussi splendidement exploitée. Aujourd’hui encore, ces bijoux à la magnificence révolue inspirent les joailliers… les mythiques diamants de Golconde en moins.


La légende joaillière des plus beaux diamants du monde est intimement liée à celle des maharadjahs et autres monarques du sous-continent indien. Connue depuis l’Antiquité pour ses inépuisables réserves de pierres précieuses, l’Inde a engendré les souverains les plus fastueux de l’humanité, d’éblouissantes dynasties de maharadjahs, de rajas et de nababs dont l’histoire s’écrit sur plusieurs milliers d’années. Dans un livre magnifique (« Bijoux de Maharadjahs », paru aux Editions Assouline), les historiens Katherine Prior et John Adamson retracent l’histoire de ces rois et de leurs joyaux depuis le XVe siècle, à l’heure de l’essor de l’Empire moghol, jusqu’à l’extinction des monarchies indiennes 400 ans plus tard. On y voit des photographies de bijoux incroyables, des hommes parés de diamants de Golconde, de jades moghols, de boules en rubis, d’émeraudes gravées, de perles fines si rares qu’elles font tourner la tête. Précisons qu’en Inde, les bijoux font partie de la vie de tout être humain, de sa naissance à sa mort. Ici, les pierres précieuses sont magiques. Elles portent bonheur ou malheur, assurent prospérité, protègent ou soignent. Si l’on se fie à la « Ratnapariksa », le célèbre traité des pierres précieuses rédigé en Inde il y a 2000 ans, les diamants ont une origine divine. Difficile de ne pas se convertir.

Dans les années 1940, les princes indiens qui survécurent aux bouleversements politiques de la colonisation continuèrent d’éblouir la Vieille Europe par leurs parures fantastiques. Honorant de leurs visites les plus célèbres joailliers de la place Vendôme, pour donner à leurs joyaux un éclat plus moderne. Ainsi, si le maharadjah de Patiala fait ressertir ses parures d’or en platine par Cartier, le joaillier, en retour, s’intéresse aux créations traditionnelles indiennes dont il va transposer la splendeur au travers de la collection « Tutti Frutti ». Une explosion de fruits et de palmettes, de boules en rubis, d’émeraudes gravées, de diamants briolettes et de saphirs du Cachemire montés en compositions florales. Un style qui perdure et a été décliné en bijoux beaucoup plus portables.

La légende du « Koh-i-Noor »

C’est le diamant le plus célèbre du monde. Son nom signifie « Montagne de Lumière ». Il a été porté par le Grand Moghol et son destin illustre bien le destin mouvementé des joyaux de ces rois indiens. Pesant à l’origine 186 carats (1 carat vaut 0,20 g), on pense que ce caillou de légende provient des mythiques mines de Golconde, qui produisirent les diamants les plus purs de tous les temps. En 1849, le « Koh-i-Noor » brille à Lahore dans la cassette du maharadjah du Pendjab, lorsque les Britanniques annexent la région. Distingués rançonneurs, les Anglais s’approprient une partie du trésor royal qu’on offre à la reine Victoria, impératrice des Indes britanniques. Le diamant est présenté lors de l’Exposition universelle de 1851. Son éclat fut pourtant critiqué, ce que beaucoup attribuèrent à l’insuffisance de la taille indienne jugée grossière. Qu’à cela ne tienne, en 1852, Victoria ordonne au diamantaire hollandais Coster de le retailler. Il réapparaît sous la forme d’un brillant plat ovale. S’il perd en grosseur (de 186 à 108,93 carats), le « Koh-i-Noor » gagne en splendeur et en éclat ! La reine le fera d’abord monter sur une broche, puis sur une tiare et, en 1858, sur une bague. Aucun souverain britannique masculin ne l’a jamais porté car, à sa mort, elle le légua à sa belle-fille Alexandra puis, après elle, à d’autres souveraines d’Europe. Aujourd’hui, il brille de mille feux dans la Tour de Londres, où il surmonte la couronne royale de feu Queen Mum. Notons quand même qu’à la suite de sa destitution, l’ancien propriétaire du « Koh-i-Noor », l’enfant maharadjah Dalip Singh du Pendjab, s’était converti au christianisme et vivra à la cour anglaise. Mais son ressentiment fut de courte durée. Il se reconvertira au sikhisme et organisera une rébellion anticoloniale réunissant Sikhs, Afghans, Russes et Irlandais… aussi inefficace que de courte durée.

Le collier du maharadjah de Patiala

Il s’agit du plus imposant collier en platine et diamants jamais réalisé ! Un collier de parade créé en 1928 à Paris pour sir Bhupindar Singh, maharadjah de Patiala. Après bien des déboires qui appartiennent à l’Histoire, ce bijou fut retrouvé à Londres, en 1998, en très mauvais état. Les diamants de Golconde qui, à l’origine, se trouvaient au centre, formant une cascade exceptionnelle de sept pierres, avaient disparu. Ils étaient de tailles variées (de 18 à 73 carats), surmontant un pendentif qui portait le célèbre diamant jaune « De Beers » (234,69 carats !). Au total, ce collier se composait de 2.930 diamants, le tout pesant très exactement 962,25 carats. La maison Cartier ne pouvait pas rester insensible à la splendeur mêlée de nostalgie qui se dégageait encore de ce joyau. Il fut décidé de le restaurer… avec des pierres synthétiques provisoirement utilisées pour remplacer les gemmes d’origine. Plus tard, à force de temps et de patience, les « faux » ont été remplacés, un par un, par des pierres naturelles. Du grand art !

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