Les années 60. Jamais le monde n’aura connu autant de changements en une décennie : les premiers pas sur la Lune, les Beatles, la minijupe et la formidable émancipation des femmes. Comme quoi dévoiler ses jambes n’est pas si futile que ça ! 


Aujourd’hui, plus personne ne s’offusque de voir une (jeune) fille en petite jupe légère ou en short avec les genoux à découvert. Bien au contraire. Cet été, comme l’été passé, la mode se plaît à dévoiler les jambes des femmes comme jamais auparavant. Adorée, décriée, sulfureuse, la minijupe fait désormais partie du vestiaire indispensable de la « fashionista » moderne.

Cela n’a pas toujours été le cas. A l’époque, cet accessoire de mode béni des enfants du baby-boom était carrément conspué par la « papesse » de l’élégance au féminin : Coco Chanel. L’immense créatrice, connue pour ne jamais mâcher ses mots, détestait la minijupe : « Je me suis battue avec tous les couturiers pour ces robes courtes. C’est affreux de faire voir les genoux. Je trouve ça indécent ! Le genou, c’est une articulation, c’est laid, pourquoi le montrer (…) Je crois que quand on déballe tout comme ça, on n’a plus envie de rien », disait-elle en 1969. Chanel avait secoué la mode dans l’entre-deux-guerres et libéré la silhouette féminine du corset, pourtant elle semblait bien dépassée par le phénomène de la minijupe.

Aujourd’hui, la « Grande Mademoiselle » devrait se retourner dans sa tombe puisque que Karl Lagerfeld lui-même n’avait pas hésité à adopter la jupe (très) courte pour rajeunir l’iconique et intemporel tailleur en tweed de la maison Chanel. Oups…

Toutes jambes dehors 

Deux noms sont restés associés à la création de la minijupe : la Britannique Mary Quant et le Français André Courrèges. Un phénomène de mode né dans la rue et dessiné pour la première fois par les couturiers cités plus haut. Il semblerait que l’Anglaise fut la première à récupérer cette minijupe révolutionnaire s’il en est (dont la longueur ne doit pas excéder une quinzaine de centimètres sous les fesses pour mériter cette appellation) pour la commercialiser dès 1962 du côté de King’s Road et de Carnaby Street. Son idée : prendre la jupe très droite des tailleurs et la raccourcir. Contrairement à André Courrèges qui l’inscrira dans ses collections haute couture, la jupette de Mary Quant se veut populaire, à la fois bon marché et pratique. La créatrice anglaise avouant l’avoir imaginée pour elle-même, notamment pour « me faciliter la vie quand il fallait courir derrière un bus ». Puis elle a commencé à habiller ses copines et les amies de ses copines qui trouvaient amusant, et surtout provocant, de montrer leurs jambes. Elle dit aussi que son idée émane des robes de plage (très) courtes qu’elle a vues à Saint-Tropez. Une chose est sûre : sa création fera l’effet d’une bombe. « La minijupe, c’était une façon pour les jeunes Anglaises du Swinging London de s’émanciper, de se rebeller, de revendiquer une sensualité, un accès à la sexualité » (NDLR : la pilule contraceptive est légalisée en 1962 en Angleterre). « En la mettant, on était sûr de déplaire à ses parents ! » dit le sociologue Laurent Cotta et responsable du département mode contemporaine au Musée Galliera.

Indémodable

Premières égéries et ambassadrices de la minijupe : les mannequins Jean Shrimpton et Twiggy. Leurs noms ne vous disent peut-être plus rien aujourd’hui mais elles furent les égales, sinon les uniques supermodels à pouvoir revendiquer le même statut que Mes Claudia Schiffer, Cindy Crawford et Naomi Campbell. Elles furent assurément « le » visage des années 60.

Certains pays comme les Pays-Bas feront tout pour interdire la minijupe, la trouvant alors beaucoup trop provocante. En vain. En Italie, les filles en minijupe ne pouvaient pas rentrer dans les églises.

Pendant ce temps, à Paris, dans leur maison de couture, André Courrèges et sa femme Coqueline feront la promotion de la minijupe (et du pantalon) en dessinant une mode architecturée, futuriste, symbole de son époque, et qui inspirera à la suite de nombreux stylistes par ses formes géométriques et l’omniprésence du blanc. Dès 1965, Courrèges présente plusieurs modèles haute couture de tenues très courtes, donnant ainsi ses « lettres de noblesse » à la minijupe. Brigitte Bardot, Françoise Hardy et France Gall confirmeront le mythe. « Toutefois », souligne Laurent Cotta, « qu’elle vienne des faubourgs de Londres ou des podiums parisiens, la minijupe est née dans un courant qui se voulait égalitaire… mais c’est certainement le vêtement le plus inégalitaire qui soit, le plus difficile à porter, exigeant une silhouette parfaitement élancée. »

Aujourd’hui, la minijupe est beaucoup moins sulfureuse et s’est intégrée dans le paysage. Presque toutes les filles ont une minijupe en jean dans leur garde-robe. Et, cet été, évasée, trapèze ou plissée, la minijupe se réinvente partout, sans cesse. Elle va et vient dans les collections de prêt-à-porter, voire de haute couture. Indémodable, intemporelle, elle est devenue un « basique » associé à des ballerines en été ou à une paire de bottes cavalières en hiver, des collants opaques ou des leggings pour en faire un vêtement moins sexy. Pourtant, dans la rue, il y a des jeunes femmes en minijupe qui se font importuner par des hommes de tout âge, qui tentent de les aborder sans grande subtilité. Un certain regard masculin restant encore ouvertement concupiscent… même au XXIe siècle.

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