De sous-vêtement unisexe primitif, la chemise est devenue le cœur du vestiaire masculin. Une évolution en oscillation entre ostentation et discrétion. Ou quand la chemise chemine


« L’homme heureux n’a pas de chemise. » L’Histoire semble avoir définitivement rangé le proverbe au placard. Son protagoniste se raviserait, d’ailleurs, s’il enfilait une chemise coupée à la perfection. Alliée tout-terrain, présente sous toutes les latitudes, la chemise est aujourd’hui la pièce indispensable du dressing masculin, surtout en période de fêtes. Elle n’a pourtant pas toujours été un must have. A travers les siècles, ce vêtement a connu des fortunes diverses

 

Unique tunique

La plus ancienne trace de chemise remonte au troisième siècle avant notre ère, en Egypte. Avec ses épaules, manches et encolure, ce tissu en lin déjà sophistiqué préfigure la tunique romaine.

Aïeule de la chemise actuelle, la tunica est un sous-vêtement unisexe porté sous la toge. Durant l’empire, le sénateur autant que l’esclave revêtent ce vêtement usuel. Selon les saisons, le nombre qu’on enfile le matin varie.

Camisia cachée

Ce simple « T » textile évolue peu au cours des siècles. Toujours blanche et sans fioritures, il est encore porté au Moyen Age. Chemise de nuit ou sous-vêtement, la camisia reste un habit de complément. Mais ses matières premières se diversifient. A côté du lin, émergent coton et laine. La qualité de l’étoffe varie selon les classes sociales. Son dévoilement aussi. Dessous occultés des nantis, elle est visible chez les modestes paysans et prisonniers. A la faveur des voyages et croisades, la mutation se poursuit. L’enfilage par la tête cède progressivement sa place au boutonnage. Chainse, Bliaud ou surcot, d’étape en étape, la chemise « moderne » commence à prendre forme.

Chemise de mise

Il faudra attendre le XVe siècle pour que la chemise devienne un réel attribut masculin. L’évolution des techniques de tissages et de teintures donne naissance à une véritable industrie textile, notamment en Flandre. L’aristocratie plébiscite ce vêtement désormais rehaussé d’un col. Soie, broderies, collerettes, fraises, dentelle, la chemise s’affiche ostensiblement.

Fils des villes…

A partir de cette émancipation, la chemise se permet tout. Son statut d’élément distinctif d’extraction sociale s’accentuant davantage. Une segmentation sanctionnée par le verbe. Durant le XVIIIe siècle, s’opposent ainsi cols blancs et cols bleus. Dans un monde nettement moins aseptisé qu’aujourd’hui, porter des chemises blanches implique de fréquents lavages et donc un nombre suffisant d’exemplaires. Seuls les fortunés peuvent se permettre une telle garde-robe. En face, les cols bleus caractérisent la classe ouvrière. Même si la division du travail et les notions de classe ont évolué, ces expressions toujours usitées montrent la persistance du symbole chemise à travers les époques. Cols, coupes, tissus, couleurs, mesure, tout n’est aujourd’hui qu’une question de choix et de cycle. La chemise demeurera encore pour longtemps l’élément central du vestiaire masculin.

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