Havre d’élégance où la passion se vit de façon feutrée et où l’automobile est traitée comme une véritable œuvre d’art, British & Sportscars, installé à Overijse, vend aux amoureux de belles mécaniques des voitures d’exception et de prestige. En toute discrétion. Rencontre avec Stéphane Meeremans, maître des lieux.


C’est un endroit devant lequel on passe presque sans le voir, caché derrière de hautes haies, le long d’une petite route de campagne. Un imposant bâtiment noir, sobre, moderne, sans vitrine, sans enseigne à néon pour appeler l’œil. Mais le siège de British & Sportscars, situé à Overijse, juste à l’extérieur de Bruxelles, est pourtant un lieu d’exception dans lequel on vous accueille en toute confidentialité. A peine a-t-on poussé la porte qu’on perçoit, grâce à l’architecture industrielle et moderne, un lieu plein d’histoire(s), auquel le fondateur a su insuffler une âme…

Esthète, érudit et audacieux

C’est en 1983 que Gérard Dulait se lance dans le négoce de l’automobile et son défi est doublement audacieux. D’abord, parce qu’il n’a que 23 ans ; ensuite, parce qu’à cette époque, la voiture ancienne est encore loin de connaître l’engouement dont elle bénéficie aujourd’hui. Mais le jeune homme a plein d’atouts pour réussir. Il a grandi dans une famille éprise d’art et de culture, ce qui a stimulé sa soif d’apprendre, d’en savoir toujours plus, et lui a permis de développer un goût très sûr en matière d’esthétisme. Voilà peut-être ce qui explique son attirance plus particulière pour l’automobile anglaise, à propos de laquelle il se documente avec avidité, jusqu’à tout connaître, ou presque.

C’est avec quatre voitures qu’il commence modestement ses activités, depuis le cottage familial du Brabant flamand. Il reçoit les clients chez lui, dans une atmosphère cosy et familiale, teintée d’une touche forcément « british », en parfaite adéquation avec les voitures qu’il veut vendre. Le sens de l’accueil et l’enthousiasme du jeune homme font mouche : son activité décolle rapidement. Bientôt, ce sont quelque 25 voitures qu’il a en permanence en vente, toutes évidemment soigneusement choisies et, majoritairement, ramenées d’Angleterre. Plus il travaille, plus il en apprend sur les beautés qu’il vend. Et cette passion authentique vaut vite à Gérard Dulait d’être considéré comme la référence belge, à qui doit s’adresser tout amateur d’Aston Martin, de Rolls-Royce, de Bentley, de MG, de Morgan, de Triumph, d’Austin, de Jaguar…

Hengstenberg

British & Sportscars ayant pris de l’envergure, il fut temps de lui trouver un siège plus adapté que la maison familiale. C’est là que commence l’histoire du bâtiment actuel du Hengstenberg, restauré et « habillé » avec l’élégance qui caractérise le maître des lieux. Nous avons déjà parlé de l’extérieur mais c’est évidemment l’intérieur qui est le plus parlant. En poussant la porte, on fait mieux connaissance avec la personnalité de Gérard Dulait. On découvre un homme passionnément amoureux des belles choses.

Comment décrire la pièce où sont reçus les clients ? Ici, un antique vélo grand bi. Là, un gros modèle réduit de locomotive à vapeur. Sur un mur, une superbe vitrine de badges et de plaquettes. Partout, des objets chinés au fil des années, tous plus beaux les uns que les autres. Des maquettes de voitures, une hélice d’avion, des sculptures parfois mystérieuses. Et derrière le bureau du boss, une énorme bibliothèque ancienne, dans laquelle est précieusement conservée une incroyable collection de documentation automobile. L’ambiance est hétéroclite mais cossue, distinguée et, surtout, chaleureuse. Le style guindé, que l’on pourrait croire indissociable d’un univers par définition haut de gamme, ce n’est pas ici !

Reprendre le flambeau

C’est Stéphane Meeremans, directeur de British & Sportscars depuis 2018, qui nous accueille avec la même simplicité que si nous nous connaissions depuis toujours. Peut-être un sixième sens chez lui, qui lui permet d’immédiatement reconnaître un autre passionné…

C’est maintenant son histoire qu’il nous raconte.

Ce solide quinquagénaire est dans le commerce automobile depuis 1998. L’essentiel de sa carrière, il l’a fait au sein d’une entreprise familiale qui était l’un des plus grands groupes belges du secteur, jusqu’à son rachat, en 2014, par plus grand que lui. Une nouvelle situation qui a tout changé car l’entreprise prend alors une tournure beaucoup plus marketing et beaucoup moins familiale. Stéphane ne s’y reconnaît plus, lui qui aime la simplicité et les relations de proximité, tant avec les clients qu’avec les membres d’une équipe professionnelle. Il lui faut donc trouver autre chose.

C’est précisément Gérard Dulait qui lui ouvre la porte. Ce dernier vient d’apprendre qu’il est atteint d’une maladie grave. Il est à la recherche de celui qui aura le profil idéal, mélange de compétences et d’âme, pour assurer une continuité à British & Sportscars. Stéphane reprend officiellement le flambeau le 1er avril 2018. Ce bel événement est, hélas ! rapidement suivi d’un deuil : Gérard Dulait décède quelques semaines plus tard, le 10 juin.

Développement

Le destin de British & Sportscars est, depuis, entre les mains de Stéphane Meeremans. Guidé par son admiration et son affection pour Gérard Dulait, il développe l’entreprise comme avait commencé à le faire ce dernier, lui qui avait déjà « élargi le spectre » en ne se limitant plus strictement aux voitures anglaises… ou sportives.

Le négoce de voitures précieuses étant une affaire de réseau, Stéphane Meeremans a aussi renforcé la dimension internationale de British & Sportscars, en nouant des liens avec des homologues étrangers et en ouvrant ses propres représentations dans des villes stratégiques. Si bien qu’aujourd’hui, la moitié des voitures vendues par l’entreprise quitte la Belgique pour d’autres pays d’Europe, et même au-delà du Vieux Continent.

Mais le développement que nous retenons surtout est celui qui intègre le mieux la philosophie originelle de Gérard Dulait, basée sur la confiance mutuelle entre vendeur et acheteur. British & Sportscars se spécialise, en effet, aussi dans ce qu’on appelle la « vente privée ». Nous comparerons cela à la démarche de certaines marques de prestige qui, au moment de développer un modèle en édition ultra-limitée, choisissent à qui les proposer. L’idée est de dénicher des véhicules d’exception avant même qu’ils ne soient ouvertement proposés sur le marché, et de déjà trouver le client qui sera intéressé. C’est donc une vente dont la discrétion est aussi importante pour l’acheteur que pour le vendeur. Car outre le fait de ne pas exposer sa richesse, ce qui compte avant tout pour l’acheteur est de préserver la valeur d’une automobile. En effet, comme nous l’explique Stéphane Meeremans, le risque d’une dévaluation est possible à chaque fois qu’une voiture recherchée apparaît sur un site web ou dans une vente aux enchères. Un exemplaire de plus d’un modèle qu’on croyait plus rare ? Un marteau qui tombe un peu trop tôt ? C’est tout le marché d’un modèle donné qui en subit les conséquences ! En clair, le but de la « vente privée » n’est pas tant la discrétion souhaitée de certains clients mais surtout de respecter l’aura d’une voiture.

Comme un enfant

Pour clôturer cette rencontre avec l’équipe de British & Sportscars, nous sommes invités à faire un petit tour du propriétaire. Et on en prend plein les yeux dès l’ouverture de la porte ! Dans le hall principal, on découvre, suspendu au plafond, un ancien Fuga Magister, avion sur lequel étaient formés les pilotes de notre armée de l’air. Celui-ci avait été utilisé par la Patrouille de France pour ses shows aériens, et c’est peut-être l’objet le plus fou acquis par le chineur invétéré qu’était Gérard Dulait. L’avion semble être là pour protéger ce qu’il survole : à la louche, une quarantaine de voitures exceptionnelles. Le choix est, en effet, très diversifié. Outre les vénérables « british » anciennes, il y a de la supercar anglaise dernier cri, de l’icône italienne des années 80, de la française d’une marque éteinte, de l’américaine musclée, de l’allemande de légende… Comme un enfant dans une boutique de bonbons, on ne sait où regarder, avec émerveillement. Et ce n’est pourtant que le premier hangar… sur quatre. Dans un couloir, une Ford T, dans un autre hall, une collection de raretés franchement aussi exceptionnelles qu’inattendues. Comme cette Jeep « Woody » restomod des années 60, équipée d’un V8 moderne. Ou ce sublime fourgon Citroën HY, tout équipé de son étal en bois verni, prêt à reprendre du service dès demain sur n’importe quel marché.

Nous avons déjà beaucoup écrit, et nous n’avons pourtant pas tout dit. Dans nos prochains numéros, nous vous reparlerons de British & Sportscars. Nous évoquerons les répercussions de certaines crises actuelles, les relatives inquiétudes concernant le passage de relais de ce métier passionnant et peut-être vous présenterons-nous l’une ou l’autre perle que recèle cet antre de la beauté métallique.

Members Only freelance reporter

Comments are closed.