En 1959, naît la Mini, une petite anglaise, bourrée d’idées novatrices, qui va révolutionner la façon dont on conçoit les voitures populaires. Voici l’histoire de la mamy qui a fait de la résistance. Et pour cause : elle doit son existence à une guerre !


Le 29 octobre 1956, éclate la Guerre de Suez : Israël, puis la France et le Royaume-Uni envahissent l’Egypte pour reprendre le contrôle du fameux canal. Cette guerre ne dure que neuf jours mais il s’ensuit une pénurie de produits pétroliers qui touche l’Europe, dont le Royaume-Uni où un système de rationnement doit même être instauré. C’est pour cette raison – et parce qu’il avait une sainte horreur des « Bubble Cars » allemandes (des mini-voitures à moteur de moto, très en vogue dans les années 40-50) qui pullulent jusque sur son île chérie – que Leonard Lord, alors patron de la British Motor Corporation, ordonne à son ingénieur en chef, Alec Issigonis, de se concentrer sur un seul des trois véhicules déjà en cours de développement. Ce véhicule est une voiture hypercompacte à vocation économique qui deviendra la légendaire Mini.

En 1964, la petite anglaise remporte l’un des rallyes les plus en vue du monde : le Monte-Carlo !

Issigonis ne se contente pas de créer une voiture petite et économique : il résout en fait la quadrature du cercle. Car malgré ses 3,054 m de long, sa voiture peut réellement accueillir quatre adultes dignes de ce nom (certes moins grands dans les fifties qu’aujourd’hui) et quelques bagages. Comment ? Issigonis imagine, par exemple, des portières et des flancs disposant uniquement de la « peau » extérieure, ce qui libère à l’intérieur de vastes creux servant à la fois de dégagement pour les coudes et d’espaces de rangement. Il se chuchote d’ailleurs qu’Issigonis voulait pouvoir ranger dans les portières les ingrédients nécessaires à la composition de sa boisson favorite : le Martini Dry ! De fait, les espaces des portières pouvaient aisément recevoir une bouteille de Martini et une bouteille de gin. Amusant quand on sait qu’aujourd’hui, les constructeurs sont très fiers de pouvoir annoncer que le vide-poche de tel ou tel modèle est assez grand pour une bouteille d’eau…

Autre astuce : des vitres coulissantes plutôt que des vitres qui montent et descendent, ce qui obligeait d’installer un mécanisme dans la portière. Des portières dont les charnières sont apparentes à l’extérieur de la voiture, tout comme les « pliures » qui joignent les différents éléments de la carrosserie. Ca en moins à l’intérieur, ça d’espace en plus !

Mais c’est surtout sur le plan mécanique que le génie d’Issigonis va s’exprimer et va faire de la Mini une voiture non seulement incroyablement spacieuse, au vu de sa taille, mais aussi un modèle de modernité, qui renvoie à l’âge du bronze toutes ses concurrentes de l’époque, dont la Fiat 500, née en 1957 et déjà très populaire. Le moteur est ainsi placé à l’avant, ce qui n’est déjà pas forcément la norme, et dans le sens de la largeur plutôt qu’en longueur, ce qui l’est encore moins. Le moteur entraînera les roues avant, chose encore rare à l’époque. Et, surtout, Issigonis décide de placer les éléments de la boîte de vitesses dans le moteur, plus précisément dans le carter d’huile, au lieu de juxtaposer moteur et boîte, comme c’est l’usage. Voilà comment une voiture aussi courte peut proposer un tel espace intérieur. Techniquement, tout est révolutionnaire, et Issigonis a inventé rien de moins que la définition de la voiture compacte, telle qu’elle est encore appliquée aujourd’hui !

 

Reine du Rocher

Cette petite merveille est lancée en août 1959 sous les deux marques du groupe BMC : Morris Mini Minor et Austin Seven (écrit SE7EN). Mais, très vite, le public se débarrasse des parties superflues de ces patronymes pour n’en retenir que l’essentiel. Pour tous, la voiture ne porte qu’un nom : la Mini.

Disons-le tout de go, le succès de la Mini n’est pas fulgurant. Les ventes sont au plus « honnêtes » durant les premières années et ne commencent vraiment à décoller qu’au début des années 60 grâce à quelques opérations de « com » bien senties, dans lesquelles des stars de la télévision, du cinéma et de la musique se font prendre en photo lors de la livraison de leur Mini.

La voiture s’impose peu à peu dans la culture populaire et comme toujours, les succès sportifs vont bien aider. Car oui, la Mini ne tarde pas à s’imposer aussi en compétition grâce à un proche ami d’Issigonis, qui perçoit le potentiel de cette petite voiture douée depuis la naissance d’un comportement routier ultra-efficace. Cet ami, qui construit notamment des Formule 1, s’appelle John Cooper.

La première Mini Cooper apparaît en 1961 et s’illustre immédiatement dans diverses compétitions, sur circuit ou en rallye. La consécration vient en 1964 quand, à la faveur de « l’indice de performance » – une savante formule qui permet de comparer artificiellement les performances de voitures très différentes, comme au hasard une Porsche 911 et… une Mini –, la petite anglaise remporte l’un des rallyes les plus en vue du monde : le Monte-Carlo ! Elle renouvelle encore l’exploit en 1965 et en 1967, et si le triplé Mini du Monte-Carlo 1967 n’est pas validé, ce n’est que pour une sombre histoire de phares non réglementaires. Qu’importe : la Mini est entrée définitivement dans la légende, et le modèle, qui séduisait déjà les sages familles, est à présent l’arme de choix des conducteurs sportifs à petit budget.

 

Indéboulonnable

Au cours des années 60, la concurrence suit la voie de la modernité au point qu’à la fin de la décennie, et malgré des améliorations constantes, la Mini commence à paraître datée comparée à ses rivales. Déjà, on évoque la succession. Ce n’est qu’en 1980 qu’Austin lance celle qui doit lui succéder : la Metro. Mais les deux voitures cohabitent dans la gamme. Les ventes déclinent doucement, jusqu’en 1984, année du vingt-cinquième anniversaire de la Mini. Pour marquer le coup, une série spéciale est lancée, riche en mises à jour techniques et de confort. Et comme par magie, les ventes repartent à la hausse. Le constructeur sent alors le filon : garder une Mini très basique pour l’entrée de gamme et développer des éditions limitées pour les clients plus aisés. Bingo ! C’est à cet époque que la Mini, conçue comme une voiture géniale mais basique, devient ce qu’elle est encore aujourd’hui : une voiture chic, une sorte d’accessoire de mode pour conducteurs tendance.

La Mini va donc survivre à toutes celles qui devaient la remplacer. D’abord à la Clubman, ou 1275 GT (1969-1980), dont le capot plat et le visage carré n’ont jamais pu séduire autant que le visage rond et poupin de l’originale. Puis à la Metro (deux générations, de 1980 à 1998), disparue en même temps que la marque Rover. Elle a aussi survécu à tous ses dérivés. Il y eut les Wolseley Hornet et Wolseley Elf (1961-1969), des versions luxueuses mais quelque peu disgracieuses – notamment à cause de leur coffre proéminent – de la Mini. Il y eut la célébrissime Mini Moke (1964-1993), qui rêvait d’une carrière militaire mais fut sèchement réformée et devint finalement une icône de la voiture de loisirs. Et il y eut encore la Mini Innocenti (1965-1975), fille d’un constructeur italien qui avait habillé une base technique Mini d’une carrosserie très réussie signée Bertone.

Toutes celles-là, la Mini les a vues arriver et repartir, tandis qu’elle continua fièrement sa carrière jusqu’en octobre 2000, après 41 ans de carrière et 5.387.862 exemplaires produits. Cette année-là, elle passe le flambeau à la Mini de l’ère BMW qui, même si elle n’a pas le côté révolutionnaire de son aïeule, a su faire fructifier le capital d’un nom inscrit définitivement dans l’imaginaire collectif. Mini, vidi, vici : et la saga continue…

Members Only freelance reporter

Comments are closed.