Vainqueur de deux Masters en 1985 et 1993, l’Allemand Bernhard Langer a largement participé à l’essor du golf en Europe. Histoire d’un champion atypique à la foi inébranlable.


Il y a une trentaine d’années, le golf était un sport très discret en Allemagne. Aujourd’hui, on dénombre près de 600.000 joueurs sur les 700 parcours du pays! Ces statistiques impressionnantes sont dues, en partie, à un champion hors du commun : Bernhard Langer. Par ses exploits sur les greens et son charisme naturel, le joueur d’Anhausen a permis à tout un peuple de découvrir les joies du swing suscitant, au passage, de multiples vocations. Un peu comme le fit, un peu plus tard, un certain Boris Becker en tennis.

Rien ne prédisposait, au départ, le jeune Bernhard, fils d’un modeste maçon, à succomber à l’appel des fairways. Rien, si ce n’est la présence du club Bavaria à Augsbourg, distant de quelques kilomètres à peine de la maison familiale. Pour gagner un peu d’argent de poche les week-ends, il propose ses services comme caddie. Il a 8 ans et n’imagine évidemment pas, en portant son premier sac, que son destin est déjà tracé…

Envouté d’entrée par ce sport si particulier, il n’hésite pas, durant les vacances estivales,  à planter sa tente près du Clubhouse pour être plus près du parcours. Du lever au coucher du soleil, il y travaille inlassablement son jeu. Et il progresse à l’allure d’un météore !

« Ma victoire au Masters servit de véritable déclic. »

Sûr de son choix,  il abandonne ses études à l’âge de 15 ans et obtient le poste d’assistant du pro Hans Fehring au Golf Club de Munich. Deux ans plus tard, en 1974, il se lance définitivement dans la carrière et s’adjuge l’Open National d’Allemagne. En 1976, du haut de ses 18 ans, il fait ses grands débuts sur le circuit européen…

 

Deux Masters et quatre Ryder Cup

Le palmarès du joueur allemand est exceptionnel. On y dénombre la bagatelle de 80 victoires professionnelles, dont 42 sur le circuit européen. Sans parler des multiples titres honorifiques. Métronome du swing, il a promené sa classe et son talent sur tous les continents et signé quelques exploits mémorables comme ses deux succès au Masters d’Augusta en 1985 et 1993.  Il aurait aimé étoffé son CV d’autres sacres dans des tournois du Grand Chelem, notamment au British Open où il échoua deux fois à la deuxième place, en 1981 et 1984. Mais il lui manqua un brin de réussite, notamment en 1984 lorsqu’il échoua à deux coups du grand Severiano Ballesteros.

C’est probablement en Ryder Cup qu’il éleva, toutefois, au plus haut son niveau de jeu. Transcendé par l’événement, il participe dix fois, comme joueur, à cette compétition phare du golf mondial. Et il contribue, bien sûr, aux nombreuses victoires de l’équipe européenne (1985, 1987, 1995 et 1997).  En 1991, à Kiawa Island, il est à deux doigts d’offrir à son continent un autre trophée mais, face à Hale Irwin, son putt de deux mètres passe juste à côté. Avec 42 matches joués et 21 victoires à son actif, Bernhard Langer est évidemment une légende de la Ryder Cup.

Comment s’étonner, dès lors, qu’il ait été élevé, pour services rendus, au rang de capitaine en 2004? Visiblement aussi à l’aise dans le rôle de stratège que dans celui de soldat, il permit, cette année-là, à l’Europe de remporter un triomphe légendaire – 9 points d’écart – à Oakland Hills!

 

Yips au putting

Au vrai, la carrière de Bernhard Langer a été exemplaire à bien des niveaux malgré une faiblesse chronique dans son jeu : le putting. Dès ses débuts sur le circuit professionnel, l’Allemand est confronté à un grave problème de « yips », une « maladie» bien connue de nombreux golfeurs professionnels. En clair, pour des raisons mystérieuses, liées aux terminaisons nerveuses des doigts, les mains ne suivent plus, en certaines occasions, les instructions du cerveau. Au putting, le virus est dévastateur. 

D’autres que lui auraient sans doute jeté l’éponge, tant le mal était profond. Mais, taillé dans le roc, têtu et obstiné, il relève le défi. En travaillant, notamment, ses approches afin de limiter le nombre de coups sur les greens. D’une précision diabolique, Langer devient le roi du pitching wedge et du sandwedge. A moins de cent mètres du trou, il colle systématiquement – ou presque – les balles au drapeau. A tout prendre, il préfère même se retrouver dans un bunker profond  plutôt qu’à deux mètres du trou, histoire de ne pas devoir sortir son putter du sac !

Au fil des ans, Langer se fait néanmoins un devoir de travailler son putting. Il  « invente » de nouveaux grips pour mieux maîtriser ses coups. Et il est l’un des premiers à utiliser, en 1996, des putters de grande dimension. A l’arrivée, il solutionne partiellement son problème, affichant même de belles statistiques dans ce secteur clé du jeu. Eureka !

 

Le cru 1985

L’Amérique entière se souvient encore de sa remontée fantastique lors du Masters de 1985. Devancé par Curtis Strange, Ray Floyd et Severiano Ballesteros au neuvième trou du dernier tour, l’Allemand signe un retour magique et collectionne les birdies pour s’imposer avec deux coups d’avance sur ses trois rivaux.

Tout au long du tournoi, il a putté avec ses mains croisées à moins de 6 mètres du trou et avec un grip classique pour les putts plus longs. Toujours cette inventivité! «1985 fut sans doute la meilleure saison de ma carrière. Je découvrais le circuit américain et tout me réussissait. Ma victoire au Masters servit de véritable déclic. Dans la foulée,  j’ai également remporté le Heritage Classic à Hilton Head, le Masters australien, la Casio World Cup au Japon, le Sun City Million Dollar Tournament en Afrique du Sud et deux compétitions en Europe. Au total, j’ai gagné sept tournois sur cinq continents… » se souvient-il.

Résultat : lorsqu’en janvier 1986 est publié le premier « Sony World Ranking » nul n’est vraiment  surpris de retrouver l’Allemand sur la plus haute marche du podium.  Premier golfeur de l’histoire à hériter du titre de numéro un mondial : voilà qui compte sur une carte de visite…

La conquête d’une deuxième « green jacket » en 1993 scelle définitivement le statut de héros du joueur allemand. Impérial durant les quatre jours, il  dicte sa loi.  Même l’Américain Chip Beck, longtemps dans sa roue, finit par abdiquer. Clin d’œil de l’histoire : Langer entérine sa victoire en signant, le dimanche, un fabuleux eagle sur le trou n°13 en enquillant un improbable putt en descente. Il ne  pouvait rêver de plus belle réponse à ceux qui mettaient en doute ses talents au putting.

 

Homme de foi

En vérité, Bernhard Langer symbolise, de la plus belle façon, l’essor du golf européen dans les années 80. Avec ses amis Severiano Ballesteros, Ian Woosnam, Nick Faldo, Sandy Lyle et Ian Woosnam, il faisait, bien sûr, partie de l’équipe de Ryder Cup qui offrit à l’Europe son premier sacre sur le parcours du Belfry en 1985. Et avec cette génération flamboyante, il a largement participé ensuite à la vulgarisation du golf dans de nombreux pays.

Son caractère était, certes, moins extraverti que celui de Seve Ballesteros, icône mondiale,  mais son influence fut  néanmoins immense. Posé, réfléchi, il prôna toujours la bonne parole et véhicula sa passion aux quatre coins du monde.

Dans sa carrière exceptionnelle, Langer a toujours pu compter sur un allié de choix : la foi.  Celle qui soulève des montagnes et qui transcende. « Dieu m’a toujours aidé dans les moments difficiles » répète-t-il. Et pas seulement lorsque, bébé, il fut atteint de graves poussées de fièvre qui faillirent lui coûter la vie ou lorsque des douleurs au dos faillirent mettre un terme prématuré à sa carrière.

Chrétien pratiquant, il a toujours fait de la Bible son livre de chevet. Et il a souvent organisé sur le PGA Tour  des lectures de l’Evangile en compagnie d’autres champions comme Tom Lehman ou Corey Pavin. « La foi est essentielle dans ma vie. Le golf de haut niveau est très exigeant mentalement. Et il est essentiel de relativiser certaines choses» philosophe-t-il.

D’une fidélité exemplaire, à la ville comme à la scène, son clan a toujours été très restreint. Son caddy Peter Coleman l’a accompagné  durant plus de 20 ans lors de toutes ses compétitions, lui apportant  son expérience et sa lucidité.

Marié depuis 1984 à l’Américaine Vikky Carol, il est fier de ses  quatre enfants : Jackie, Stefan, Christina et Jason, le petit dernier âgé de dix ans. Et quelque chose nous dit qu’il fera un excellent grand-père…

 

Champions Tour     

En attendant, depuis son cinquantième anniversaire, en 2007, Langer est devenu un pilier du Champions Tour qui réunit, aux Etats-Unis, les meilleurs joueurs « seniors ». Et il se débrouille évidemment très bien sur ce circuit professionnel de vétérans. Ce n’est pas un hasard s’il collectionne les victoires dans cette catégorie, en Europe comme aux Etats-Unis.

Sa contribution au golf dépasse, au demeurant, largement sa simple carrière de joueur. A l’instar d’autres ténors du swing, il  exploite sa connaissance du jeu en développant de multiples projets dont la constructionsde parcours : le label Langer est aussi réputé, dans l’industrie du swing, que celui de Jacl Nicklaus ou de Arnold Palmer.

L’Allemand a ainsi dessiné une quinzaine de « championship courses » prestigieux. Parmi ceux-ci, citons le Portmarnock Links à Dublin, le Béthemont à Paris ou le somptueux Golf du Touessrok sur l’Ile Maurice.   « J’essaie toujours d’incorporer dans mes créations architecturales les caractéristiques que j’ai personnellement connues et appréciées, en tant que joueur, sur les plus grands golfs à travers le monde… »

Humble, doué, souvent visionnaire : Langer est un champion dans tous les sens du terme. Un exemple.

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