Premier véritable « professionnel du golf », cet Ecossais fut non seulement un grand champion mais aussi un visionnaire. Deux cents ans après sa naissance, son influence est toujours présente sur les links.


Les puristes du golf commémorent, cette année, le bicentenaire de la naissance de « Old » Tom Morris. Aux yeux de l’histoire, cet Ecossais fut un véritable pionnier. Premier véritable « professionnel », il participa à l’essor de son sport dans quasiment tous les domaines : le matériel, le dessin de parcours, le greenkeeping, l’enseignement et les compétitions. Il fut non seulement le meilleur joueur de son époque mais aussi un précurseur et un visionnaire.

A St.Andrews, le berceau et La Mecque du golf, il est toujours omniprésent. Le plus célèbre parcours du monde – le Old Course – porte d’ailleurs son surnom, tout comme l’une des rues de la ville. Son portrait figure en bonne place au club-house du Royal & Ancient et, chaque année, des milliers de fidèles viennent se recueillir sur sa tombe, au cimetière de la cathédrale.

Premier pro de l’histoire

Tom Morris est né le 16 juin 1821 à St.Andrews, en Ecosse. Fils de tisserand, il a commencé le golf à l’âge de 10 ans en frappant des bouchons de vin (percés de petits clous) à l’aide d’un club qu’il avait personnellement fabriqué !

A l’époque, le golf en est à ses balbutiements. Les parcours ne sont pas réellement balisés. Sur les dunes qui font office de fairways, ce sont la nature et les moutons qui assument les rôles d’architecte et de greenkeeper. Les terrains ne sont d’ailleurs pas réservés à la seule pratique du golf : les badauds s’y promènent en toute liberté, sans trop se soucier des trajectoires des balles !

Brillant et motivé, Morris est rapidement remarqué par Allan Robertson, le grand champion du moment qui dirige le St.Andrews Links et une petite entreprise de fabrication de clubs. Il devient son apprenti, puis son assistant. Et, accessoirement, un excellent joueur. Dès 1840, le professeur et l’élève font d’ailleurs équipe ensemble dans les tournois de foursomes et collectionnent les victoires. On les surnomme même « The Invincibles ». Leurs duels de match-play face à la paire Park-Dunn, représentant North Berwick, sont particulièrement serrés !

Un différend au sujet de l’usage de la nouvelle balle en gutta, appelée à remplacer celle en plumes, oblige les deux hommes à se séparer en 1850. Tom Morris vole d’abord de ses propres ailes avant d’être débauché, en 1853, par le Prestwick Golf Club pour devenir le premier « professionnel à temps plein » de l’histoire.

Jusque-là, en effet, les clubs de golf n’étaient guère structurés. Pas même en Ecosse !  Prestwick innove avec la construction d’un club-house et un concept de « membership » totalement inédit. La révolution est en marche !

Tom Morris est, quelque part, élevé au rang de CEO du club. Pêle-mêle, il organise la vie sportive, gère l’entretien du terrain, s’occupe du matériel et prodigue également ses conseils de « teaching pro » aux nouveaux joueurs. Pour sa peine, il hérite, dit-on, d’un salaire de 15 schillings par semaine !

Tel père, tel fils !

Mais c’est évidemment par ses exploits dans les plus grandes compétitions que Tom Morris va devenir illustre et entrer dans la légende. La naissance du British Open va, en réalité, lui donner une véritable légitimité.

La première édition se dispute le 17 octobre 1860 sur le links de Prestwick qui compte 12 trous. Elle réunit, sur 36 trous et en un seul jour, les huit pros de l’époque en activité. Tom Morris termine deuxième, derrière Willie Park Sr. Il prend sa revanche dès l’année suivante et conserve son titre en 1862, avec 13 coups d’avance sur le deuxième. Il remporte encore l’épreuve en 1864 et en 1867. Il avait 46 ans et 99 jours lorsqu’il s’offrit ce dernier sacre et il reste, à ce jour, le vainqueur le plus âgé de l’épreuve.

Tom Morris se serait sans doute forgé un palmarès bien plus copieux s’il n’avait trouvé sur sa route encore plus fort que lui : son fils ! Né en 1851, ce dernier hérite du même prénom que son père mais s’avère encore bien plus doué un club de golf à la main. « Young » Tom Morris est même souvent considéré comme le premier génie du swing.

Dès l’âge de 13 ans, il domine les meilleurs pros du moment dans les tournois écossais. Nul n’est donc réellement surpris de le voir succéder à son père au tableau d’honneur de l’Open en 1868. Sur les 36 trous de Prestwick, il précède son géniteur de trois coups, devenant, à 17 ans et 156 jours, le plus jeune lauréat de l’histoire. Un record qui tient toujours ! En vérité, personne n’avait encore vu un champion aussi talentueux, excellant dans tous les secteurs du jeu, notamment au putting. Dans la foulée, il remporte d’ailleurs, en surclassement, les deux éditions suivantes, en 1869 et en 1870. Le règlement prévoyait que le premier joueur à s’adjuger trois fois l’Open consécutivement hériterait, à titre définitif, du trophée, le fameux « Challenge Belt », une ceinture de cuir. Comme aucun autre sceptre n’était prévu et que le tournoi ne roulait pas sur l’or, l’Open n’a pas lieu en 1871. Il renaît de ses cendres en 1872 avec, à la clé, un nouveau succès de « Young » Morris qui hérite de la première « Claret Jug », l’aiguière d’argent, qui récompense toujours aujourd’hui le vainqueur. Avec quatre titres, « Young » avait égalé le record de « Old ».  Seul l’Anglais Harry Vardon, six fois lauréat entre 1896 et 1914, s’adjugea davantage de titres.

Le destin freina, hélas ! la fabuleuse carrière de « Young » Tom Morris. Très touché par la mort brutale de sa femme Margaret lors d’une fausse couche, il succombe à son tour d’une crise cardiaque le soir de Noël 1875. Il avait 24 ans et était invaincu en tournoi !

Un véritable visionnaire

« Old » Tom Morris fut, bien sûr, très marqué par cette tragédie. Il arrêta les grandes compétitions mais resta fidèle au golf, comme s’il était en mission dans sa ville de St.Andrews. Fort de son expérience et de ses connaissances, il joua un rôle essentiel dans la normalisation des règles et du nombre de trous (qui passa à 18). Architecte d’esprit, il dessina de nombreux parcours en Ecosse, en Irlande et en Angleterre. Il fut ainsi à la base de la naissance des links de Kingussie, Kinghorn, Kirkcaldy, Muirfield, Carnoustie, Royal County Down, Royal Dornoch, Moray, Bridge of Allan, Lahinch, Warkworth ou North Devon. Partout, il apportait sa griffe, participant au développement d’un sport en plein essor.

Visionnaire, « Old » Tom Morris fut aussi, quelque part, le père du greenkeeping moderne. C’est lui qui créa le premier véritable green sur le Old Course de St.Andrews. C’est lui aussi qui « inventa » les aires séparées sur les tees. Maître dans l’entretien des parcours, il introduisit de nombreux protocoles pour favoriser la croissance du gazon et la qualité des greens et des bunkers grâce, notamment, à une bonne utilisation du sable. Il utilisa aussi toute son expérience dans l’optimisation des parcours, en ajoutant des obstacles en fonction de l’évolution du matériel et des balles.

On ne mesure sans doute toujours pas l’immense apport sur le jeu de golf de ce personnage éclectique, toujours en avance sur son temps. Quelques semaines avant sa mort, sa légendaire barbe grise arpentait toujours les terrains et l’homme vouait toujours la même passion à son sport. C’est, d’ailleurs, en tombant dans les escaliers du club-house du New Course de St.Andrews qu’il perdit la vie, le 25 mai 1908, à l’âge de 86 ans. Sa tombe, installée dans le cimetière de la ville, est recouverte par une statue en bronze de son fils « Young » qui ne l’a jamais quitté. Le lieu est devenu un passage obligé pour les milliers de visiteurs en pèlerinage à St.Andrews. Tout comme le magasin de golf qu’il avait créé à la fin du XIXe siècle et qui porte toujours son nom dans l’artère principale de la ville sainte du swing.

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