Décédé en 1992, le champion bruxellois Flory Van Donck fut, dans les années 50, l’un des meilleurs joueurs de golf du monde. Il ne lui a manqué qu’une grande victoire dans un Grand.


On l’oublie parfois mais la Belgique a compté, jadis, de grands champions de golf. Flory Van Donck fut, sans doute, le plus célèbre. Vainqueur de la plupart des grands tournois professionnels européens, il termina à deux reprises à la seconde place du British Open. En 1953, sa meilleure année, il hérita même du « Vardon Trophy », récompense attribuée à l’époque au meilleur joueur de Grande-Bretagne, c’est-à-dire du monde ! «Il était bien plus connu à l’étranger qu’en Belgique. A Londres, les chauffeurs de taxi lui demandaient des autographes et il n’était pas question qu’il fasse la file dans un  magasin! Il rendait régulièrement visite  au Duc de Windsor. Il fut même invité personnellement à la Maison Blanche par le président Eisenhower et reçut, un jour, un chameau du pacha de Marrakech» explique Claudine, sa fille, qui a précieusement conservé toutes les coupures de presse relatant les exploits de son illustre papa.

Né en 1912, Flory Van  Donck avait son destin de gentleman golfeur tout tracé. Et pour cause : son père était greenkeeper du Ravenstein. Il savait à peine marcher lorsqu’il reçut son premier club. «Comme il le tenait mal, son grand père lui promit une série complète s’il corrigeait son grip. Il ne se fit évidemment pas prier… »

Fils unique, le petit Flory allait vite être confronté aux injustices de la vie.  «Le décès de sa maman lorsqu’il avait 6 ans et des problèmes au poumon l’obligèrent à passer une grande partie de son enfance au grand air, dans une pension sur les hauteurs de Montana. Au menu : des promenades, de la gymnastique et du golf sur le parcours voisin de Crans… »

« Je ne suis ni un jaloux, ni un envieux. » 

Le premier déclic date de cette époque. Handicap 14 à 14 ans, il avait été invité à participer au championnat des caddies. Il s’y classa deuxième en raison d’un double bogey sur le dernier trou. Il prit sa revanche l’année suivante, prouvant au grand jour qu’il avait l’étoffe du vrai battant. « Je ne suis ni un jaloux, ni un envieux.  Cependant, dès que je suis battu, je m’interroge et j’essaie de savoir pourquoi un autre a fait mieux que moi. C’est dans ma nature. Ensuite, j’essaie de prendre ma revanche. Je suis du genre emmerdeur mais il faut l’être pour obtenir des résultats » confia-t-il souvent pour expliquer cette rage de vaincre qui l’habitait en toutes circonstances.

Adolescent, l’idée de faire du golf son métier trotte une première fois dans sa tête. En 1932, à l’âge de 19 ans, il devient assistant au Ravenstein où il travaille son golf avec passion et obstination.  Son héros est pro au Royal Waterloo : il s’appelle Henri Cotton. Le jeune Flory passe des heures à regarder swinguer au practice le célèbre champion anglais. Sans véritable moyen financier, sais aide particulière, issu d’un pays où le golf n’était pas réellement considéré, le jeune Flory ne pouvait compter que sur lui-même et son formidable talent pour relever le défi.

Sûr de son bon choix,  il décide de se lancer dans la carrière de professionnel du golf à l’âge de vingt ans. C’est l’heure des premiers sacres, en Belgique et à l’étranger. « Malheureusement, la guerre a freiné le début de sa carrière. Et ce n’est que dans les années 50 que celle-ci a réellement pris son envol… » rappelle sa fille.

Il est délicat de comparer les époques. Mais il est clair que le Bruxellois faisait partie des meilleurs joueurs d’Europe, si pas du monde. Aux yeux des spécialistes, c’était le Ben Hogan européen. Son swing était un pur régal. Il collectionna les titres (2 Coupes du Monde, 3 Open de France, 5 Open d’Italie, 2 Open de Suisse,…) et les records, signant notamment deux cartes exceptionnelles : 65 sur le parcours du Ravenstein en 1935 et 61 sur l’ancien parcours du Waterloo en 1957 lors d’une partie avec Donald Swaelens, autre légende du golf national. Il rentra également une carte de 65 au Royal Troon, en Ecosse, lors d’un mémorable British Open.

 

Les regrets du British Open

Il n’a, en vérité, manqué qu’une grande victoire en Grand Chelem au champion bruxellois pour entrer dans le gotha. Il s’en est fallu de peu.  Il termina en effet deux fois à la deuxième place du British Open : en 1956, sur le links du Royal Liverpool et en 1959 à Muirfield. «Il ne m’a pas manqué grand-chose mais, en golf, ce sont les petits détails qui font souvent la différence. En 56, j’ai fait un double bogey sur le trou n°1 et je n’ai jamais pu remonter mon handicap. C’est finalement Peter Thompson qui remporté le tournoi. En 59, lors de la victoire de Gary Player, je me suis mis hors limite lors du deuxième tour et, là encore, je n’ai pu ensuite combler le déficit. J’ai également eu ma chance en 58 au Royal Lytham & St.Annes. J’étais à un coup de la tête lorsque je me suis mis hors limite sur le trou n°3. Il devait être écrit quelque part que je ne gagnerais jamais le British. C’est bizarre mais je me souviens davantage de mes défaites que de mes victoires. Sans doute parce que le golf est une éternelle école de modestie » précisa-t-il un jour.

Flory Van Donck pouvait néanmoins être très fier de son palmarès, l’un des plus beaux du golf européen de l’époque. Très solide, il était considéré comme l’un des joueurs les plus droits du monde. D’une régularité horlogère, il touchait la plupart des greens en régulation grâce notamment à des coups de fer très précis.

Secrètement, il regrettait que la presse belge, peu attirée par le parfum des greens, ne fasse pas davantage écho de ses exploits. Parfois, il s’étonnait que ses victoires passent si inaperçues dans son propre pays alors qu’elles défrayaient tant les chroniques à l’étranger. Mais il s’était fait  une raison de la situation et s’en accommodait. « Et il a été très honoré de recevoir, en 1960, le Trophée du Mérite Sportif qui récompense l’athlète belge de l’année » ajoute Claudine van Donck qui, avec sa fille Barbara, entretient la flamme du souvenir.

En ce temps-là, le golf ne brassait pas les mêmes budgets qu’aujourd’hui. Loin s’en faut. Les plus grands tournois proposaient certes des prize moneys mais ceux-ci  n’étaient pas suffisants pour vivre, surtout sur le circuit européen. Flory van Donck aurait pu tenter sa chance aux Etats-Unis, où les dotations étaient bien plus élevées. Mais il n’était pas prêt à sacrifier, pour sa seule carrière, sa vie de famille.

L’esprit de famille

Le champion belge n’abandonna du coup jamais réellement son premier métier de « teaching pro ». De 1948 à 1961, durant son époque de gloire, il enseigna ainsi au Royal Waterloo. Les tournois de l’époque se jouaient en semaine et se terminaient généralement le vendredi. Cela lui permettait de rejoindre le practice du club brabançon dès le samedi matin pour donner cours à ses élèves. En 1962, il fit son retour au Ravenstein, son club d’origine.

« La vie sur le circuit n’était pas évidente. A l’étranger, je me sentais souvent très seul. Il m’arrivait de téléphoner à mon épouse pour lui demander de me rejoindre. Elle le faisait lorsque c’était possible et cela me donnait des ailes.  Dans le cas contraire, il me manquait quelque chose… »

Il aurait pu continuer sa carrière au plus haut niveau plus longtemps mais il n’était pas facile de combiner ses obligations de joueur avec celles de pro. Au Ravenstein, il était devenu salarié. Il ne pouvait donc pas s’absenter à la carte. Un peu las du stress de la haute compétition, il préféra privilégier peu à peu la sécurité financière. Lorsqu’on a charge de famille, il est très aléatoire de se baser sur d’hypothétiques gains en tournoi…

Ceci dit, Flory Van Donck n’a jamais cessé de jouer au golf. Sa carrière terminée, il entraîna l’équipe nationale allemande durant plus de dix ans ! Il partait tous les vendredis soirs et revenait en Belgique le lundi matin. Il avait même trouvé une belle formule pour motiver ses élèves. « Ceux qui rataient un fairway versait 50 pfennigs à la caisse commune, celui qui faisait trois putts donnait un mark. Tout était noté et, à la fin, les premiers recevaient 50, 30 et 20 pour cent de la cagnotte… »

A 67 ans, il défendait encore, sous les yeux de son épouse Marie Henriette qui le suivait aux quatre coins de la planète, les couleurs de la Belgique lors d’une Coupe du Monde. Et il prodigua avec enthousiasme, jusqu’à la fin de ses jours, ses conseils aux jeunes du Waterloo, de La Bawette, de Winghe et, bien sûr, du Ravenstein. « A 79 ans, quelques mois avant sa mort, il était encore sur les fairways, passionné. Fort de son goût de la compétition, il s’efforçait de rentrer une carte inférieure à son âge. En fait, papa était un homme exceptionnel. Il s’intéressait à tout : la nature, les oiseaux, les voyages et, bien sûr, les autres sports. C’était un grand admirateur d’Eddy Merckx et un vrai supporter du White Star…» se souvient encore sa fille.

Flory van Donck, champion hors du commun, a marqué plusieurs générations de golfeurs belges et reste une référence dans l’histoire du sport belge.

 

Son fabuleux palmarès

World Cup : 1955 à Washington et 1960 à Portmarnock

Open de Belgique : 1935, 39, 46, 47, 53 et 56

Open des Pays-Bas : 1936, 37, 46, 51 et 53

Open de Suisse : 1953, 55, 56 et 62

Open d’Allemagne : 1953 et 56

Open d’Italie : 1938, 47, 53, 55 et 56

Open du Portugal : 1955

Open de France : 1954, 57 et 58

Open d’Espagne : 1951

Open du Danemark : 1959

North British Tournament : 1951

Open d’Uruguay : 1954

Open de Vénézuéla : 1957

Championnat de Belgique en 1935, 38, 49, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 59, 60, 63, 64, 65, 66 et 68

British Open : runner-up en 1956 et 1959

Vardon Trophy en 1953 attribué au meilleur joueur européen de l’année

Trophée du Mérite Sportif en 1960

 

Ses plus beaux records de parcours

Old Troon (Ecosse) : 65 coups

Ravenstein (Belgique) : 65

El Prat (Espagne) : 65

Crans sur Sierre (Suisse) : 64

Royal Waterloo (Belgique) : 61

Estoril (Portugal) : 61

Pannal G.C. (Grande-Bretagne) : 66

Francfort (Allemagne) : 66

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