Il a dominé le golf mondial durant une dizaine d’années. Mais il ne compte pourtant à son palmarès que deux titres majeurs. La faute à la malchance.


Malgré ses 91 victoires professionnelles, il n’a pas le palmarès des plus grands champions. Il ne compte ainsi que deux tournois du Grand Chelem – deux British Open, d’ailleurs – à son tableau de chasse. Mais Greg Norman occupe néanmoins une place de choix dans l’histoire du golf. Avec un brin de réussite, l’Australien aurait en effet largement étoffé sa carte de visite. Il a terminé deuxième de huit Majors (Masters de US de 1986, 1987 et 1996, US Open en 1984 et 1995, British Open en 1989 et USPGA en 1986 et 1993) et on se demande toujours comment il n’a jamais porté la légendaire verste verte qui récompense le lauréat du Masters d’Augusta. Plusieurs fois en tête du tournoi géorgien, le « Requin Blanc » a, chaque fois, craqué sur la fin, probablement victime d’un mystérieux signe indien…

« Je serai milliardaire à 30 ans… »

Malgré cette malédiction, Greg Norman a marqué toute une génération. En compagnie de Severiano Ballesteros, Bernhard Langer et Nick Faldo, il a illuminé, de toute sa classe, le golf des années 80. Plein de charisme, très spectaculaire, capable de réussir les coups les plus improbables, il a écrit quelques unes des plus belles pages du swing mondial. Attaquant de grand chemin, il a toujours pris tous les risques pour le bonheur d’un public qui n’avait d’yeux que pour lui. Bien avant l’arrivée des drivers de la dernière génération il était capable de propulser la balle à des distances défiant la raison qui en faisait l’un des joueurs les plus longs du circuit…

Chasseur de dollars

Né le 10 février 1955 à Mount Isa dans le Queensland, Greg Norman a été nourri, comme tous les jeunes de Brisbane, au biberon du sport. Mais au golf, que pratiquaient ses parents, il préféra longtemps des activités plus physiques comme le surf, le rugby ou le football australien. Histoire de faire plaisir à la famille, il acceptait simplement de caddyer occasionnellement sa mère (Handicap 3)  lors des tournois du dimanche…

Ce n’est que vers l’âge de 16 ans qu’il céda, pour la première fois, à la tentation des greens. Et il ne le fit pas à moitié. Doué, athlétique, le swing dans la peau, il passa, en l’espace de deux ans, d’un Handicap de débutant à un niveau de joueur scratch ! Comme s’il était investi d’une mission. Le comité sportif du Virginia Golf Club de Brisbane n’avait jamais assisté à une telle progression…

Lancé sur les rails de succès, le prodige n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. «On sentait qu’il s’agissait d’un athlète hors du commun, compétiteur dans l’âme, perfectionniste jusqu’au bout des ongles, terriblement ambitieux. Mais de là à imaginer son futur parcours, il y avait de la marge » témoignent ses premiers professeurs.

En vérité, Norman va tout renverser sur son passage, porté par le vent du succès comme un surfeur par la vague. Il passe professionnel en 1976 et remporte, dès son quatrième tournoi, sa première victoire sur le Tour australien au West Lake Classic d’Adelaïde. Une star est née !

Après avoir collectionné les succès dans son pays natal, Norman se sent des fourmis dans les jambes et met le cap sur l’Europe pour poursuivre sa fulgurante progression. « Je serai milliardaire à 30 ans » confie-t-il à ses amis, chapeau de paille posé sur sa crinière blonde. On le prend pour demi-fou mais l’homme, taillé dans le roc, ne plaisante pas. Il fonce. Et après avoir conquis l’Europe, il traverse l’Atlantique pour étendre son empire et cultiver sa moisson de trophées. Et ce jackpot, qui avait des allures de mirage, devient vite une réalité.

A la fois chasseur de birdies et de dollars, l’Australien fait feu de tout bois ! Il devient même le premier joueur de l’histoire à totaliser, en 1995, 10 millions de dollars de prize-money durant sa carrière…

Le Grand Chelem du samedi

Nous le disions plus haut : Norman aurait mérité de s’adjuger de nombreux tournois du Grand Chelem. Mais il était écrit quelque part, sur les lignes des greens, que les plus grands tournois lui résisteraient obstinément. Certes, le « Requin Blanc » (surnom donné par un journaliste américain en 1981) a remporté deux British Open, à Turnberry en 1986 et au Royal St George’s en 1993, en offrant, chaque fois, un récital de coups gagnants. Son premier sacre est encore dans toutes les mémoires avec, notamment, une carte historique de 63 le deuxième jour malgré trois séries de trois putts. En état de grâce, il aurait parfaitement pu signer, ce jour-là, un score de 59…

Dans l’absolu, 1986 aurait d’ailleurs dû être l’année de tous les exploits pour le champion de Brisbane. Certains disent qu’il aurait même pu réussir, lors de ce millésime, le Grand Chelem cher à Bobby Jones.

Flash-back. Zoom-arrière. Lors du Masters d’Augusta, il se retrouve en tête, à égalité avec son idole Jack Nicklaus, au départ du dernier trou. Mais, sans raison apparente, il croque son fer 4 et envoie la balle dans la foule. A l’arrivée, il termine deuxième derrière le « Golden Bear » âgé alors de 46 ans !

Lors de l’US Open, il se retrouve également dans le haut du « leaderboard » après le troisième tour sur le parcours de Shinnecock Hills mais une dernière journée désastreuse (75) l’oblige à laisser la victoire à Ray Floyd.

Même scénario lors de l’USPGA qui se joue à Inverness. Alors qu’il est lancé sur la voie du succès, il commet quelques erreurs grossières le dimanche et abandonne la plus haute marche du podium à Bob Tway qui rentre, sur le dernier trou, sa sortie de bunker…

Les statisticiens, amateurs de records exotiques, auront remarqué qu’en cette année 1986 Norman a donc été en tête des quatre Majors après le troisième tour. Il a, en quelque sorte, réussi le Grand Chelem du samedi. Mais, in fine, il n’a soulevé qu’une seule fois la coupe du vainqueur.

Maigre consolation : il devient officiellement, à la fin de la saison, n°1 mondial. Un poste qu’il occupera durant 331 semaines consécutivement…

Abonné aux deuxièmes places

En décryptant sa carrière, on constate que l’Australien a terminé dans le Top 10 d’un Major à 29 reprises, soit une moyenne de 38%. Il s’agit d’une statistique exceptionnelle que seul Tiger Woods a, depuis, pulvérisé.

Plusieurs fois, le «Great White Shark » a eu la consécration au bout de son club. Au Masters de 1987, il putte pour la «green jacket» sur le dix-huitième trou. En vain. Et, dans le playoff qui suit, son adversaire américain Larry Mize rentre un improbable « chip » pour s’adjuger le triomphe.

Norman est encore battu en « playoff » lors du British Open de 1989 à Troon. Opposé à son compatriote Wayne Grady et à l’Américain Mark Calcavecchia, il prend un risque inutile sur le quatrième trou de barrage et catapulte sa balle dans un vilain bunker. Calcavecchia n’espérait pas si beau cadeau et remporte, en filou, le tournoi.

Décidément allergique au parcours d’Inverness, l’Australien est encore battu en « playoff » lors de l’USPGA de 1993. Cette fois, c’est Paul Azinger qui ruine ses espoirs…

Sa plus grande désillusion date sans doute du Masters de 1996. Après avoir rendu une carte de 63 le premier jour, il aborde le dernier tour d’Augusta avec six strokes d’avance sur Nick Faldo. Mais, là encore, il s’écroule et laisse son adversaire anglais revêtir la veste verte. Dur, dur et tellement injuste.

Heureusement, à côté de ces désillusions, il y a une foule de moments magiques. La plus belle victoire de Greg Norman est sans doute celle remportée sur le links mythique du Royal St George’s lors du British Open de 1993. Arrivé à pleine maturité, maître à la fois de son jeu et de ses nerfs, il termine à 13 coups sous le par (encore un record !) après avoir rentré quatre cartes en-dessous de la barre des 70. Nick Faldo et Bernhard Langer, qui le suivent, ne peuvent que constater la supériorité de leur rival…  

 

Homme d’affaires

Quelques blessures au dos – avec une opération à la clé – freinèrent, plus tôt qu’espéré, la carrière du « Requin blanc ». Mais ce dernier est toujours resté en pointe. Côté green, bien sûr, avec quelques exploits tardifs – comme cette troisième place au Royal Birkdale en 2008 – et quelques succès de prestige sur le Seniors Tour, où il fait évidemment partie des joueurs les plus suivis. Mais aussi, côté coulisses…

Car le golf n’a jamais étanché complètement la soif de vivre de cet homme d’exception, éternellement passionné, ami des plus grandes stars (dont l’ancien président US Bill Clinton) et croquant toujours la vie à pleines dents. A la ville comme à la scène, Norman a toujours été de l’avant. Question de tempérament. « Je déteste l’échec et j’ai toujours besoin d’avancer… » répète-t-il souvent.

Aussi redoutable en affaires que sur un terrain de golf, il a touché à mille secteurs – la viticulture, l’habillement, la restauration, l’immobilier et, bien sûr, la conception de parcours – avec, chaque fois, le même succès. Amoureux de vitesse, il ne s’est pas contenté de propulser ses drives à plus de 200 kilomètres/heure. Que ce soit à bord de ses Ferrari, de ses hélicoptères, de ses bateaux ou de ses avions, il assouvit son appétit d’aller toujours plus loin, plus vite et plus fort. En 1995, il a même comblé un vieux rêve en pilotant un avion de la Navy !

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