Icône du golf américain et mondial, l’Américain Arnold Palmer a révolutionné son sport en le faisant entrer, dans les année soixante, dans une nouvelle dimension.


Arnold Palmer est décédé le 25 septembre 2016 à l’âge de 87 ans, laissant le sport de St.Andrews orphelin d’un véritable héros. Lauréat de 7 tournois du Grand Chelem durant sa carrière, dont quatre Masters, l’Américain possède, bien sûr, après Jack Nicklaus et Nicklaus Woods, l’un des plus beaux palmarès de l’histoire. Mais c’est surtout par son charisme naturel et par son côté visionnaire qu’il a marqué plusieurs générations. Star adulée et icône de tout un peuple, « Arnie » a, dans les années soixante, fait entrer le golf dans une nouvelle ère, participant largement à sa médiatisation et à sa popularité aux Etats-Unis. Jusque là, le golf était un sport plutôt élitiste. Les « grands » Bobby Jones et Ben Hogan défrayaient, certes, les chroniques. Mais le golf restait plutôt réservé aux spécialistes. Palmer l’a vulgarisé, surfant notamment sur les premières grandes retransmissions des tournois pour asseoir sa notoriété.

« Il est difficile d’imaginer le golf sans toi » Tiger Woods.

Visionnaire, il fut aussi le premier champion de haut niveau à s’associer à Mark McCormack, chantre du marketing sportif. Sa reconversion fut d’ailleurs un modèle du genre en matière de sport-business. Le destin a voulu qu’il disparaisse quelques jours à peine avant la Ryder Cup, un tournoi qu’il avait remporté à six reprises en six participations ! « Il est difficile d’imaginer le golf sans toi » a twitté Tiger Woods. Barack Obama a également rendu un vibrant hommage au « King ». Et l’équipe américaine de Ryder Cup lui a évidemment dédié sa victoire à Hazeltine.

Arnold Palmer a marqué de son empreinte plusieurs générations à la fois par son talent et sa personnalité. Première grande star médiatique du golf mondial, Arnold Palmer avait compris, bien avant les autres, toutes les subtilités du sport business. Ce n’est pas un hasard d’ailleurs si, à 87 ans, il continuait à toucher les dividendes de son exceptionnelle notoriété. En 2015, le magazine Forbes lui attribuait encore 40 millions de dollars de revenus annuels liés à des contrats de sponsoring, de merchandising ou de dxroits à l’image !

 

« The King »

Fils d’un modeste jardinier du Golf de Latrobe, en Pennsylvanie, le petit Arnold fut élevé dans l’univers des practices et des greens ! Malgré une technique assez curieuse et un swing très rapide, il remporta de nombreuses compétitions chez les amateurs, dont le prestigieuxUS Open en 1954. Il hésita pourtant longtemps avant de se lancer dans la carrière professionnelle, s’engageant même, en bon patriote, dans les Marines !

Finalement, à l’âge de 25 ans, il se décide à faire le grand saut. Il n’a pas à le regretter ! Dès l’année  suivante, il s’adjuge son premier grand tournoi : l’Open du Canada. La machine est lancée. En 1958, Arnold Palmer défraye définitivement les chroniques en remportant sa première victoire dans un tournoi du Grand Chelem, en l’occurrence le Masters d’Augusta. A trois trous de la fin, il compte pourtant deux coups de retard sur Ken Venturi. Mais il serre le jeu et s’offre trois birdies sur les trois derniers trous. A star is born. Et quelle star…

Plutôt petit et lourd, le nez en trompette et la coiffure en houppette, façon Tintin golfeur, Arnold Palmer n’a pas le profil du champion habituel. Mais il  va d’entrée conquérir les cœurs de l’Amérique profonde. La fin des années cinquante, c’est l’époque de gloire des Etats-Unis. Celle où tout est possible. Celle de l’argent facile et du plein emploi. C’est l’American Dream dans toute sa splendeur. C’est aussi l’époque où le golf entre dans une nouvelle ère : celle de la télévision. Les tournois sont désormais retransmis en direct. Et le public tombe d’entrée sous le charme de ce joueur étonnant qui incarne si bien le héros américain.

Sur un parcours, Palmer ne passe, il est vrai, pas inaperçu. Il y a d’abord ce look un peu pataud, cette chevelure blonde, cette cigarette au bec et ce swing peu orthodoxe et tellement rapide qu’il génère un courant d’air chez ses partenaires de partie ! Mais il y a aussi – et surtout – ce style si offensif, cette façon si particulière d’attaquer tous les drapeaux, de prendre des risques et d’inventer des coups. Et puis, il y a ce don naturel pour rentrer des puttrs improbables. « Si je devais confier à un autre le soin de rentrer le putt de la victoire à ma place, ce serait à Arnie » confia un jour Bobby Jones. Un sacxré compliment !

Une chose est sûre : dans cette Amérique optimiste les citoyens américains ont rapidement les yeux de Rodrigue pour Chimène à l’égard de ce joueur inhabituel, souriant, proche d’eux. Ils en font un véritable héros, l’idolâtrant comme une rock star, au point de le surnommer « The King », à l’instar du grand Elvis Presley !

A son charisme naturel, Arnold Palmer ajoute aussi une arme secrète pour conquérir les foules : son ami Mark McCormack. Ce jeune avocat d’affaires, inventeur du sport business, va largement contribuer, en effet, à la popularité du champion. Ils s’étaient rencontrés à à l’Université de Wake Forest. Leurs retrouvailleds, querlques années plus tard, vont transformer le golf et, quelque part, le sport. Ensemble, les deux hommes vont construire un véritable empire industriel et commercial. Guidé par son gourou, Palmer va devenir le chantre du sport-money. Publicité, merchandising, marketing : l’homme conquiert, en marge de sa carrière de champion, tous les univers. Et devient, rapidement, le sportif le plus riche de la planète, toutes disciplines confondues.

Sa victoire lors de l’US Open de 1960, à Cherry Hills, l’élève définitivement au rang de demi-dieu ! Au départ de la dernière journée, il accuse un retard de sept coups sur le leader. Sa défaite semble scellée dans le marbre. Mais pas pour lui ! En état de grâce, attaquant tous les drapeaux, il collectionne, le dimanche, les birdies pour rentrer une carte hallucinante de 65 et remporter l’épreuve dans le délire général. Le grand Ben Hogan, dégoûté, se retira définitivement du golf un peu plus tard…

L’Arnie’s Army

Au total, durant sa carrière, Arnold Palmer s’imposa dans sept tournois du Grand Chelem : quatre Masters (1958, 1960, 1962, 1964), un US Open (1960), deux British Open (1961 et 1962). Seul l’USPGA, où il termina trois fois à la deuxième place, lui résista. Il est symptomatique de constater que le champion américain remporta tous ses grands succès dans un espace de temps assez restreint (entre 1958 et 1964).

Il n’est pas sot d’écrire qu’Arnold Palmer a été le sportif américain le plus populaire de l’histoire. Peut-être davantage encore que Cassius Clay ou Tiger Woods. Il était apprécié de tous : des nantis comme des pauvres, des golfeurs comme des non-golfeurs. C’était un véritable phénomène. Lors de chacun de ses tournois, des milliers de fans le suivaient, surexcités. Ce club de supporters – unique dans le monde du golf – était surnommé l’ « Arnies Army » !

L’arrivée sur le devant de la scène d’un certain Jack Nicklaus ne changea, d’ailleurs, rien à ce fanatisme. Au contraire. Chiffres en mains, ce dernier signa une bien plus belle carrière que son grand rival. Il remporta la bagatelle de dix-huit Majors, record toujours inviolé ! Mais, si dominateur sur les greens, le grand Jack ne parvint jamais à contester l’infinie popularité de son grand rival. D’origine plus modeste, si proche des gens, Palmer conserva toujours une longueur d’avance au hit-parade de la notoriété.

Celle-ci ne se limitait d’ailleurs pas aux seules frontières des Etats-Unis. Précurseur, toujours en avance sur son temps, Palmer comprit très vite qu’il avait un destin planétaire et qu’il se devait de vendre aussi son image loin des rives du Mississipi.  C’est dans cet esprit qu’il fit du British Open l’une de ses priorités.

A l’époque, le tournoi britannique – sur le déclin – n’attisait guère le feu des passions aux Etats-Unis. En décidant d’y participer en 1960, pour le centième anniversaire de la compétition, il allait briser un véritable tabou. Il termina deuxième de l’épreuve derrière l’Australien Ken Nagle. L’année suivante, il remit sur le métier son ouvrage et, cette fois, termina à la première place. Re-belote en 1962 ! Palmer avait gagné son pari : star aux Etats-Unis, il l’était aussi en Grande-Bretagne et dans le reste du monde.

On l’oublie souvent mais Palmer a, quelque part, sauvé le British Open d’une fin annoncée. En ce temps-là, le tournoi anglais se jouait aux mêmes dates que l’USPGA, ce qui empêchait les pros américains de traverser l’Atlantique. La présence de Palmer sur les links britanniques ont, dès lors, permis au tournoi britannique de gagner ses galons médiatiques aux Etats-Unis. Et ce n’est pas un hasard si, depuis les deux triomphes du King, les deux tournois se jouent à des dates différentes et si les plus grands champions US inscrivent systématiquement l’épreuve à leur agenda…

Chantre du sport-business

Durant sa carrière, Arnold Palmer remporta 62 victoires sur le PGA Tour et participa à six Ryder Cup. Après avoir dominé le circuit pro, il se reconvertit avec un incroyable succès sur le Senior Tour, réservé aux joueurs de plus de 55 ans. Sa personnalité était si grande que les grandes chaînes de télé américaines se firent un devoir de retransmettre en direct les tournois de vétérans auxquels il participait. Et les audiences étaient, évidemment, bien plus élevées que celles des tournois du PGA Tour…

Dans les classements de sportifs les mieux payés du monde, Arnold Palmer a figuré aux premières places durant plus de cinquante ans, touchant les dividendes d’un véritable empire. Car c’est évidemment par sa fabuleuse réussite financière que le champion américain restera, d’abord, dans l’histoire. Aux Etats-Unis, où parler l’argent n’a jamais été tabou, Palmer a signé un parcours sans faute, additionnant les zéros sur son compte en banque au rythme de ses bons placements.

C’est bien simple : il a transformé en or tout ce qu’il a touché ! Pêle-mêle, il a vendu son image à toutes les grandes multinationales, il a créé sa propre société – avec le fameux parapluie multicolore comme logo – pour le merchandising, il a développé sa propre marque d’équipements golfique, il a dessiné des centaines de parcours dans le monde entier, il a organisé son propre tournoi du PGA Tour – le prestigieux Bay Hill Invitational. La marque Palmer avait pignon sur rues dans bien des secteurs d’activités : les restaurants, les voitures, le textile, les limonades, les lavoirs ! Si elle avait été cotée à Wall Streer, l’action Palmer aurait sans doute pulvérisé tous les records…

Machine à gagner sur les greens, Arnold Palmer a surtout été une machine à faire de l’argent en dehors des fairways. C’est le fruit de son talent. Mais c’est surtout le fruit de son sens de la relation publique et des affaires. D’un naturel charmeur, il a construit sa légende sur des bases très saines. Proche des gens, du simple ouvrier comme du grand patron de multinationale, il n’a jamais refusé un autographe à un admirateur. Il trouvait toujours les mots justes lors des interviewes. Même battu, il faisait de l’ombre au vainqueur avec son petit sourire ironique si particulier. Demandez-le, si vous en doutez, à Jack Nicklaus !

Les puristes diront que, golfiquement,  « Arnie » n’était guère un apôtre du swing parfait. Son finish très haut a toujours interpellé les techniciens et son balancement n’avait rien de très académique. Mais cela faisait aussi partie du personnage.

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