Champion emblématique de la fin des années 80, Nick Faldo a marqué toute une génération. En quête permanente de perfection, il n’a pas hésité à changer de swing en pleine carrière.


A l’instar de Severiano Ballesteros, Nick Faldo a largement participé à l’essor du golf européen dans les années quatre-vingt. Le tempérament et le style de jeu des deux champions étaient pourtant complètement différents. Là où l’Espagnol faisait le spectacle en attaquant sur tous ses coups, quitte à se perdre dans le rough et les sous-bois, l’Anglais, bien plus introverti, était beaucoup plus sobre et régulier. Mais, à l’arrivée, le feu et la glace se complétaient parfaitement sur les fairways. Ce n’est pas un hasard, d’ailleurs, si les deux hommes furent à la base de nombreux succès de l’équipe européenne de Ryder Cup.

 

Professionnel à 18 ans

Né le 18 juillet 1957 à Welwyn Garden City, Nick Faldo est, dès son plus jeune âge, un sportif accompli qui pratique volontiers la natation et le cyclisme. Comme tout bon citoyen britannique, il s’intéresse aussi, bien sûr, au golf. Mais sans plus. Le déclic a lieu lors d’une retransmission télévisée d’un tournoi aux Etats-Unis. Faldo voit à l’œuvre le grand Jack Nicklaus. Il tombe sous le charme de ce champion d’exception et décide de céder, à son tour, à la tentation du swing. Il a 14 ans, un corps d’athlète et des rêves plein la tête ! Lorsqu’à l’école, un professeur lui déconseille de se lancer ainsi dans le sport de haut niveau, où « il n’y en a qu’un qui réussit sur dix mille », il a tôt fait de répondre : « Alors, je serai celui-là… »

Les faits lui donnent vite raison. En 1975, du haut de ses 17 ans, il remporte le British Amateur et suscite, pour la première fois, l’intérêt des médias. L’Angleterre entière, qui attend avec impatience un vrai successeur à Tony Jacklin, se passionne, du jour au lendemain, pour ce jeune prodige qui ne doute de rien.

« Mais je ne suis pas un robot »

Nick Faldo passe professionnel en 1976, à l’âge de 18 ans. Et, dès l’année suivante, il sable le champagne d’un premier grand titre sur le Tour Européen, à l’occasion du PGA Championship, disputé sur le parcours du Royal Birkdale.

Le jeune-homme a du talent plein les mains et termine l’année 1977 à la huitième place de l’Ordre du Mérite. Pas besoin d’avoir terminé ses études pour faire le calcul : le voilà promu au sein de l’équipe britannique de Ryder Cup ! Pas complexé pour un sou, il offre trois points à ses couleurs, s’offrant même le scalp du grand Tom Watson dans la partie de simple. Le doute n’est pas permis : l’Angleterre possède, là, un nouveau joyau de la Couronne !

Le travail de Leadbetter

Sur sa lancée, il poursuit son ascension et collectionne les succès sur le circuit européen. Mais, curieusement, il n’a pas la même réussite lors des Majors. Souvent bien placé lors du British Open (4ème en 1982, 8ème en 1983, 6ème en 1984), il commence à se lasser de ne pas ramener à la maison le précieux trophée. La presse, très versatile,  ne lui pardonne rien et souligne que ce swing, si merveilleux d’apparence, devient très fragile sous la pression.

Ambitieux comme le vent qui balaye les links, Faldo décide alors de se remettre en question et fait appel aux services de David Leadbetter, un coach zimbabwéen très en vogue et aux allures de gourou. Le verdict tombe rapidement : le backswing du champion est déréglé, plus précisément dans le take-away. Bonjour l’angoisse ! « Il ne fallait que deux semaines à Ben Hogan pour changer son swing. Mais, pour d’autres, il a fallu deux ans » confie, de l’inquiétude plein la voix, le «patient » !

Entre Faldo et Leadbetter, le courant passe, cependant, vite et bien. Durant toute l’année 1986, le joueur anglais change de mouvement. Un peu, beaucoup, à la folie ! Et, peu à peu, son swing devient plus solide. Et, en 1987, lors du British Open, c’est la consécration tant attendue sur le terrible parcours écossais de Muirfield.

Pour l’occasion, la pluie et le vent se sont invités en « guest stars » sur ce links de légende. Solide comme le roc, multipliant les pars, Faldo touche pleinement les dividendes de son travail de forçat. Au terme d’un fabuleux mano à mano, livré à distance, avec Paul Azinger, l’Anglais s’adjuge enfin le titre tant espéré. Sous pression, l’Américain – longtemps en tête – finit par craquer, notamment sur le dix-huitième trou – l’un des plus beaux « finishing hole » du monde – où un vilain bunker freine sa marche en avant.

Nick Faldo devient le quatrième joueur britannique depuis la Seconde Guerre mondiale à soulever le fameux Claret Jug après Max Faulkner, Tony Jacklin et Sandy Lyle. L’enfant prodige est devenu un héros.

Six Majors à son palmarès

Cette fois, la machine est définitivement lancée. Aux yeux des puristes, le nouveau swing de Faldo devient la référence absolue. Rythme lent et frappe pure : l’Anglais suscite à la fois la curiosité et la jalousie ! Et David Leadbetter est élevé, aussitôt, au rang de magicien. Le gourou zimbabwéen ne tardera pas, d’ailleurs, à ouvrir sa première école de golf à Lake Nona, en Floride. Bien d’autres suivront aux quatre coins du monde…

A la fin des années 80, la domination de Faldo est impressionnante. Au sommet de son art, l’Anglais dégoûte, les uns après les autres, ses adversaires. Inlassablement, ses balles touchent le milieu du fairway. Aucune mécanique n’a jamais semblé aussi bien huilée ! « Mais je ne suis pas un robot » se défend l’intéressé, las de certaines comparaisons.

Maître sur le Vieux-Continent, l’artiste se doit de conquérir l’Amérique. C’est chose faite en 1989 lors de sa première victoire aux Masters d’Augusta. Maître de ses nerfs, il endosse la veste verte en dominant l’Américain Scott Hoch au terme d’un playoff. Et, dans la foulée, il signe un historique doublé l’année suivante, encore en playoff, cette fois face à Ray Floyd. C’est le premier doublé depuis un certain…Jack Nicklaus ! A leur tour, les Etats-Unis s’enivrent pour cet étonnant champion anglais, régulier comme une horloge suisse, aux coups d’une précision chirurgicale, impassible dans ses émotions.

Nick Faldo remporte un troisième titre au Masters en  1996 en signant un quatrième tour exceptionnel et en profitant de la défaillance du leader Greg Norman sur les neuf derniers trous.

Au total, le champion anglais totalisera six titres dans des tournois du Grand Chelem. A ses trois Masters et à son premier titre à Muirfield, il faut ajouter deux autres British Open : l’un, en 1990, à St.Andrews ; l’autre, en 1992, à nouveau à Muirfield. Avec un brin de réussite, il aurait pu briguer un quatrième titre  dans le tournoi en 1993 mais, cette fois, il dut se contenter de la deuxième place derrière un Greg Norman en état de grâce. Curieusement, Faldo n’a jamais réussi à s’imposer, ni à l’US Open, ni à l’USPGA. Une vraie – et inexplicable – malédiction !

Roi de la Ryder Cup

Aux yeux de l’histoire, Nick Faldo restera aussi – et surtout – le roi de la Ryder Cup. Recordman des participations (11 entre 1977 et 1977), il disputa 46 rencontres (23 victoires, 19 défaites, 4 nuls) dans la compétition. Aucun autre joueur, des deux côtés de l’Atlantique, n’a apporté autant de points à son équipe…

Sur le papier, Faldo n’avait pourtant pas le profil du joueur modèle valorisant le « team spirit ». Volontiers solitaire, plutôt fermé dans ses relations avec les autres, il avait du mal à partager les valeurs d’un sport d’équipe. A l’heure de vérité, il sortait pourtant le grand jeu. Son tandem avec le Gallois Ian Woosnam a notamment fait des ravages auprès de l’équipe américaine. Et nul n’a oublié son incroyable come-back face à Curtis Strange, à Oak Hill, en 1995. Mené à trois coups de la fin, il sortit un golf du bout du monde pour offrir le point décisif à la formation européenne.

Au vrai, Faldo avait un don pour se sublimer dans les moments importants grâce à une concentration maximale et à une technique dénuée de la moindre faille. Aujourd’hui encore, à l’heure du golf informatisé, le swing de l’Anglais reste un exemple à montrer dans toutes les écoles.

Pour services rendus, Nick Faldo fut élevé au rang de capitaine de l’équipe européenne de Ryder Cup lors de l’édition jouée, en 2008, sur le parcours du Valhalla Golf Club, à Louisville. Mais, de l’avis unanime, il ne fut pas à la hauteur de la situation en raison de son manque de communication. L’Europe perdit d’ailleurs sans gloire son beau trophée…

 

Une personnalité controversée

Force est d’admettre que l’Anglais a toujours eu un caractère bien trempé. Ses relations avec la presse furent ainsi particulièrement tendues. Allergique aux critiques, volontiers capricieux et enfant gâté, fermé comme une huître, Faldo n’a jamais eu le charisme naturel  de Severiano Ballesteros ou de Greg Norman, deux de ses grands adversaires de l’époque.

Sa vie privée fut, d’ailleurs, elle aussi, atypique avec plusieurs divorces à la clé qui firent les beaux jours – et les grandes manchettes – des tabloïds britanniques. Cela ne facilita évidemment pas son ouverture sur le monde…

Nick Faldo a mis un terme à sa carrière officielle en 2001, riche d’un des plus beaux palmarès de l’histoire du golf européen avec 43 victoires, dont six Majors. Au total, il passé la bagatelle de 98 semaines à la première place de la hiérarchie mondiale.

Aujourd’hui, il s’est reconverti dans le rôle de commentateur-consultant sur les grandes chaînes américaines de télévision (où ses analyses sont sans pitié) et son métier d’architecte renommé  (il a signé notamment les parcours de Chart Hills, Sporting Club Berlin, Ocean Dunes, Vietnam, Cottonwood Hills).

En 2009, Nick Faldo a été fait Chevalier par la reine Elisabeth II. Un honneur rare pour un sportif, dont il est évidemment très fier. Sur le tee n°, le speaker annonce désormais l’arrivée de…Sir Nick Faldo. Qui dit mieux ?

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