Voilà vingt ans que le mythique golfeur américain, mondialement connu pour son look vintage, a disparu dans un accident d’avion. Histoire d’un champion pas comme les autres.


C’était il y a vingt ans. Le 25 octobre 1999, le champion américain Payne Stewart décédait dans un accident d’avion, laissant le golf orphelin d’une de ses figures les plus talentueuses et charismatiques. Ce jour-là, la star du swing US avait pris place, tôt le matin, dans un jet privé qui devait le transporter, avec son staff, d’Orlando à Dallas. On retrouvera, un peu plus tard, la carcasse du petit appareil dans un cratère profond de trois mètres, au milieu d’un champ de maïs d’une petite bourgade du Dakota. L’harmonica du joueur, dont il ne se séparait jamais, est miraculeusement retrouvé intact à côté de l’épave.

« Je crois avoir réalisé tous mes rêves sur le plan sportif. »

A l’époque, Payne Stewart, âgé de 42 ans, était au sommet de sa gloire. Il venait de remporter son deuxième US Open sur le parcours de Pinehurst, en Caroline du Nord, au terme d’une fabuleuse bataille avec Phil Mickelson et le tout jeune Tiger Woods. Dans la foulée, il avait contribué à la victoire de l’équipe américaine lors d’une mémorable Ryder Cup disputée à Boston, dans le Massachusetts. Le matin du drame, au petit déjeuner, Payne avait confié à son épouse Tracey vouloir diminuer son rythme de vie pour privilégier sa vie de famille. « Je crois avoir réalisé tous mes rêves sur le plan sportif. A présent, j’ai besoin de me reposer. Je veux me consacrer davantage à toi et à nos enfants Chelsea et Aaron… » Le destin et une maudite dépressurisation de la cabine en décidèrent autrement.

Un look inoubliable

Payne Stewart occupait une place à part sur la planète golf en raison, notamment, de son étonnant « dress code » au parfum vintage. Lors de chaque tournoi, il arborait ainsi un look rétro improbable avec une casquette à la Gavroche, des chaussures en peau de crocodile, de longues chaussettes écossaises multicolores et, surtout, des knickers d’un autre temps qui lui conféraient un petit air de Tintin des greens. Dans son genre, il était unique et ne passait jamais inaperçu !

Au début de sa carrière professionnelle, le natif de Springfield, dans le Missouri, n’avait pourtant pas très bonne réputation. Il faisait même carrément partie des joueurs les moins appréciés sur le PGA Tour. On le disait volontiers arrogant, caractériel, cynique, voire vulgaire. Adorable un jour, il pouvait être hyper-désagréable le lendemain, sans raison apparente. Et ses déclarations sans nuances ni diplomatie passaient souvent mal dans l’univers feutré du golf. « J’étais un véritable emmerdeur », avouera-t-il ensuite.

En réalité, c’est l’annonce de la maladie de Paul Azinger, son meilleur ami, qui lui sert de déclic, en 1993, pour une vaste introspection. Les deux champions avaient suivi la même filière depuis le début de leur carrière. Ils étaient très proches. En apprenant les soucis de son pote, Payne Stewart mesure soudain la fragilité de la vie et la futilité d’une victoire ou d’une défaite. Il se tourne vers la religion et emprunte un nouveau chemin personnel au point de devenir un joueur charmant, bon camarade, drôle et tourné vers les autres. Une véritable métamorphose qui va largement participer à son énorme popularité.

Champion imprévisible

Sur les greens, Payne Stewart a aussi connu des hauts et des bas. Au début de sa carrière, il collectionna les places d’honneur, devenant une sorte de Poulidor du golf. Certes, dans les années 80, il remporte deux titres sur le PGA Tour. Mais, parallèlement, il multiplie les frustrations. En 1985, il est idéalement placé pour s’adjuger le British Open au Royal St.George’s mais, in fine, il termine à un petit coup de l’Ecossais Sandy Lyle. L’année suivante, au sommet de son art, il est omniprésent en haut des leaderboards (seize top 10 sur le circuit américain, dont trois en Grand Chelem) mais il ne ramène aucun trophée à la maison. Toujours placé, jamais gagnant : sa réputation est scellée dans le marbre. Aux States, on le surnomme « Avis », éternel numéro deux derrière Hertz dans la location de voitures.

Le champion exorcise enfin ses démons en remportant, en 1989, le PGA Championship sur le parcours de Kemper Lakes. Porté par une forme d’état de grâce, il signe quatre birdies sur les cinq derniers trous et prend le meilleur sur Mike Reid qui pensait avoir le titre en poche.

Guidé par son talent inné et son swing naturel d’une rare pureté, il confirme en s’adjugeant l’US Open – son tournoi préféré – en 1991 sur le parcours de Hazeltine. A égalité avec son compatriote Scott Simpson après les 72 trous réglementaires, il remporte le playoff du lundi. Jamais Payne Stewart n’a aussi bien touché la balle. Même Jack Nicklaus est sous le charme. « Tout a l’air si pur et si léger », confie l’« Ours Blanc ». 

On le croit définitivement lancé vers les plus hauts sommets. Mais une nouvelle éclipse freine un peu plus tard sa progression. On le dit en dépression, mal dans sa peau, porté sur la dive bouteille. Au milieu des années 90, il envisage même, de guerre lasse, d’arrêter purement et simplement sa carrière. Mal dans son jeu, mal dans sa tête, il est méconnaissable. Sur les conseils de sa femme, il exorcise pourtant ses démons et repart de plus belle. « Je lui ai dit de bien réfléchir et d’essayer de trouver des solutions plutôt que de se lamenter », racontera Tracey. Ce discours servira de premier tremplin à une véritable renaissance.

Le duel de Pinehurst

A la fin des années 90, Stewart retrouve ainsi le plus haut niveau. Au Lake Course de San Francisco, il termine deuxième de l’US Open en 1998, derrière Lee Janzen. En tête durant les trois premiers tours, il coince dans le dernier. Mais au lieu de râler, il sourit. Son état d’esprit est devenu positif, à la ville comme à la scène. « Je ferai mieux la prochaine fois. Bravo à Lee », dit-il. Apprécié à la fois par le public et par ses adversaires, l’ancien sale gosse est devenu un véritable modèle.

Sa victoire à l’US Open de 1999 est, assurément, son chef-d’œuvre. Sa signature. Le tournoi se dispute sur le diabolique parcours Pinehurst n°2, dessiné par Danold Ross. A l’aube du dernier tour, Stewart occupe la tête mais il a, à ses trousses, une meute de poursuivants aux dents longues parmi lesquels Phil Mickelson, Tiger Woods, David Duval et Vijay Singh. Un vrai plateau de rois.

Au départ du 17e trou, Mickelson – qui s’apprête à devenir papa – et Stewart sont à égalité en tête. Le duel entre les deux hommes est épique. Grâce à un birdie venu d’ailleurs, Payne prend l’avantage au départ du « finishing hole ». Son drive part dans le rough mais il parvient, malgré tout, à se retrouver à cinq mètres du drapeau pour un putt pour la victoire. Il y a à la fois de la pente et de la tension. Mais la balle épouse parfaitement la déclivité du green et finit sa course dans le trou. Dans une ambiance de folie, les deux héros tombent dans les bras l’un de l’autre. « Bonne chance avec le bébé. Tu verras, c’est génial d’être père », glisse Payne à Phil.

Dans la foulée, Stewart participe à la mémorable Ryder Cup de Brookline, disputée dans une atmosphère électrique avec un public américain souvent détestable. Dans sa partie de simple, il est opposé à Colin Montgomerie, pris pour cible par la foule et hué à chaque arrivée sur le tee. « S’il y a un spectateur qui dépasse les bornes, je m’en occuperai personnellement », glisse-t-il à l’Ecossais. Les deux hommes termineront leur match « square », Payne concédant le dernier putt dans un geste de grand seigneur.

Il ne se doute pas, alors, du destin tragique qui l’attend. Un mois plus tard, c’est le drame. Lors des funérailles à l’église Baptiste d’Orlando, la plupart des joueurs du PGA Tour sont présents et forment même une haie d’honneur pour escorter le cercueil de leur ami. « Longtemps, Payne Stewart a été la chose la plus importante dans la vie de Payne Stewart. C’était lui d’abord. Mais il avait complètement changé ces derniers temps. Il était devenu un homme tourné vers les autres, un joueur généreux, humble, amical. Un gars formidable », expliqua Paul Azinger dans son bel hommage.

Oui, Payne Stewart était devenu exemplaire, à l’image de son « dress code ».

Members Only partner and editor

Comments are closed.