Situé de l’autre côté de la Manche, près de Douvres, ce links mythique, créé en 1888, devait accueillir le British Open cette année. Le rendez-vous a été décalé d’un an. Visite d’un parcours de légende si proche de la Belgique.


Rendez-vous en 2021 ! La 149e édition du British Open devait se dérouler cette année au Royal St.George’s. Elle a finalement été logiquement décalée d’un an en raison de la pandémie de Covid-19.

Le parcours du Royal St.George’s Golf Club, sis près de Sandwich, fait partie intégrante de l’histoire du golf anglais et, donc, mondial. Posons le décor. Nous voilà dans le comté de Kent, juste de l’autre côté de la Manche. A un drive de Douvres et du Channel. Dans le petit village de Sandwich. L’endroit n’a rien de particulièrement glamour. Un ciel souvent triste et bas, quelques pubs pour occuper les passants et un vent qui s’invite dans la plupart des promenades. Mais pour le golfeur, il dégage un petit parfum de paradis. Et pour cause : dans un rayon de quelques kilomètre à peine, il pourra étancher sa soif de birdies au puits de trois links d’exception qui ont, chacun, déjà accueilli le British Open : le Prince’s GC, le Royal Cinque Ports et, bien sûr, le Royal St.George’s GC.

Pour les connaisseurs, le spot est donc magique, un peu comme ceux de Valderrama-Sotogrande et San Roque en Andalousie ou Pebble Beach-Cypress Point et Spanish Bay en Californie.

Véritable monument, le Royal St.George’s est « la » référence. Ce club historique et exclusif a déjà été le théâtre de quatorze éditions de « The Open », dont la dernière en 2011. Lors de ce millésime, il avait couronné le Nord-Irlandais Darren Clarke qui s’était joué des conditions climatiques détestables, comme c’est souvent le cas dans ce coin de l’Angleterre où les locaux disent qu’ils jouent au golf même quand il y a du soleil !

Un véritable links

Le Royal St.George’s a vu le jour en 1888 (la même année que le Royal Antwerp, en Belgique). De passage dans la région, le chirurgien écossais William Laidlaw Purves tomba sous le charme de ce bout de côte balisé par les dunes. « Quel merveilleux endroit pour un parcours de golf ! » s’exclama-t-il. Ainsi dit, ainsi fait : un bout de crayon à la main, ce passionné connaisseur dessina un championship course exceptionnel qui, 132 ans plus tard, n’a pas pris la moindre ride. Sur ce genre de terrain, nul besoin de faire appel à de grands architectes ou de se compliquer la vie en ajoutant des obstacles. Le parcours serpente de façon naturelle, un peu comme si Dieu était lui-même golfeur.

Le Royal St.George’s est un pur chef-d’œuvre et un modèle de links. Il répond à tous les critères : dessiné le long de la mer, sur les dunes, tapissé de subtiles bosses, il oblige le joueur à dompter en permanence les caprices du vent et à éluder les dizaines de bunkers qui balisent les 18 trous. Des pièges de sable aux allures de véritables cratères, comme celui gigantesque du trou n°4. Haut comme un immeuble de deux étages, il est réellement monstrueux. Et on y déposerait bien sa balle volontairement, juste pour se faire prendre en photo.

La plupart des vieux links écossais sont dessinés de façon très basique : les neuf premiers trous vont dans un sens, les neuf derniers, dans l’autre. C’est, par exemple, le cas du Old Course, de St.Andrews, berceau du swing. Le modèle n’a pas été respecté à Sandwich. Magicien et visionnaire, Laidlaw Purves a créé un parcours « moderne » avec des trous qui partent, dès le tee numéro un, dans toutes les directions. Cela rend évidemment le challenge encore plus compliqué, notamment lorsque le vent est de la partie, c’est-à-dire 364 jours par an ! 

Ce n’est pas un hasard si le Royal St.George’s fut, en 1894, le premier club anglais à accueillir le British Open, couronnant le champion du pays, J.H.Taylor. Depuis, le plus célèbre links du Kent a été le théâtre de treize autres Open dont ceux de 1981 (victoire de l’Américain Bill Rogers), de 1985 (l’Ecossais Sandy Lyle), de 1993 (l’Australien Greg Norman) et de 2003 (l’Américain Bill Curtis).

Lors de cette mémorable édition, Tiger Woods perdit, pour la seule fois de sa carrière dans une compétition officielle, sa balle.  Son premier drive du tournoi partit sur la gauche, dans le rough. Et malgré les recherches du nombreux public présent, le champion américain dut se résoudre – après les cinq minutes réglementaires de chasse au trésor – à reprendre le chemin du tee numéro un avec, à l’arrivée, un terrible triple bogey ! Voilà qui donne une idée de la difficulté de ce parcours où chaque erreur a des conséquences sur la carte de score.

Une cure d’humilité !

En vérité, le Royal St.George’s sert, en général, de radicale cure d’humilité pour le visiteur ! C’est un défi permanent où il faut sortir tous les clubs de son sac, improviser des coups sous le vent, jouer des fers longs, putter parfois en dehors des greens. C’est l’Ecosse qui s’invite dans le Kent du premier au dernier trou !

Les par 3 sont redoutables, à l’image du n°6 où quatre bunkers accueillent gentiment les balles mal calibrées autour d’un green très étroit. Les cinq derniers trous sont particulièrement retors avec, souvent, des départs à l’aveugle. Le n°15, un très long par 4 de 450 m, offre une vue imprenable à 360°. Si le vent est contraire, c’est probablement le trou le plus exigeant. Dans son genre, le 16, un petit par 3 de 145 m, vaut aussi le voyage. C’est là que le Danois Thomas Bjorn perdit l’Open en 2003. Il mit trois coups, le dernier jour, pour sortir d’un des fameux « pot bunkers » décorant un green aux mille et une pentes et laissa la victoire finale à l’Américain Ben Curtis, seul joueur à avoir terminé le tournoi sous le par !

Mais, répétons-le, sur ce links authentique, tous les trous sont à la fois intéressants et diaboliques. Aucun ne ressemble réellement à un autre.

« Members only »

Club (très) privé et (très) exclusif, le Royal St.George’s n’accepte les visiteurs qu’au compte-gouttes et jamais le week-end où le terrain est réservé aux membres et à leurs invités. Histoire d’accélérer le jeu, c’est souvent la formule du « foursome » (où deux joueurs frappent la balle alternativement) qui est privilégiée.

Les green-fees sont à la mesure de l’histoire des lieux avec des tarifs variant de 200 à 270 euros selon les saisons. Seuls les joueurs avec un handicap inférieur à 18 peuvent accéder au tee numéro un.

Héritage d’un passé lointain, le club-house a longtemps été exclusivement réservé à la gent masculine, avec costume et cravate obligatoires. Les Ladies sont, depuis peu, tolérées. Mais les salons, très XIXe siècle, reçoivent davantage des Lords venus d’un autre temps et qui dégustent, sous le tableau d’honneur, des whiskys pur malt.  

Cette ambiance très Vieille Angleterre peut, en 2020, choquer ou déranger. Un peu comme à l’Augusta National ou à Muirfield. Mais le plaisir de fouler les fairways de ce parcours reste exceptionnel. Ce club d’un autre temps, où fut tournée une scène légendaire du film de « Goldfinger » où James Bond jouait au golf, ne ressemble à aucun autre. C’est un vrai joyau de la Couronne.

De tous les parcours du British Open, le Royal St.George’s est le plus proche de la Belgique. Il a pignon sur green à Sandwich, tout près de Douvres. Il suffit donc de traverser la Manche pour s’y rendre. Dépaysement et frissons garantis ! Et inutile de rappeler que dans ce coin d’Angleterre où le golf est élevé au rang de religion, on peut aussi chasser le birdie sur bien d’autres parcours, moins prestigieux mais bien plus démocratiques

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