Son décès, à 79 ans, a laissé la Belgique orpheline de l’un de ses personnages les plus atypiques et surréalistes. Et, parallèlement, le golf national a perdu l’une de ses figures les plus emblématiques.


Ses adversaires en parlaient comme d’un despote éclairé, sorte de Roi-Soleil décidant de tout, sans prêter l’oreille aux avis d’en face. Il en souriait. Le comte Léopold Lippens, indéboulonnable bourgmestre de Knokke-Heist – et accessoirement du Zoute ! –, a toujours suivi sa bonne étoile. Invariablement réélu à une large majorité lors de chaque élection communale, par les nantis comme par les faibles, le « Lord-Maire » volait au-dessus des polémiques de bas étages, indifférent aux critiques et aux rumeurs. Marin, il aurait toujours naviguer à contre-courant. C’était dans son ADN.

Fidèle à son image d’épicurien, il faisait fi des étiquettes et se flattait de n’appartenir à aucun parti politique. Indépendant et libre ! A la fois gentleman et businessman, cet éternel playboy se moquait du qu’en-dira-t-on comme de sa première gaufre au sucre de chez Siska! Il portait le pantalon rouge avec une rare élégance et n’hésitait jamais à glisser une pochette dans son veston sport. Ses valeurs s’appelaient le plaisir, la nature, le temps, la culture, l’humour. Et il ne crachait pas sur un zeste de paresse, celle qui permet de réfléchir et de comprendre.  Homme de passions, très cultivé, inventif et audacieux, il ne laissait, en tout cas, personne indifférent. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste.

L’art de vivre

Il parlait de sa ville natale de Knokke avec des étoiles dans les yeux. Et il décryptait, mieux que personne, ses secrets. « Voilà plus d’un siècle que la station est fidèle à un certain art de vivre. En 1910, ici, il y avait essentiellement des dunes et des lapins. Mes ancêtres, qui avaient eu le génie d’acheter de nombreux terrains dans la région, ont réussi à modeler une station balnéaire unique en son genre de Biarritz à la Scandinavie. La qualité de vie est exceptionnelle avec tous les avantages de la ville sans ses inconvénients. Le week-end, on dénombre mille huit cents commerces ouverts, dont une soixantaine de galeries d’art ! L’air est vivifiant, la sécurité, optimale, l’ambiance, décontractée. Les gens ont le sentiment d’être en vacances près de chez eux, ils prennent le temps de vivre. Le temps, c’est un vrai luxe. C’est magique ! »

Et à ceux qui évoquaient le snobisme des Zoutois, il répondait, amusé : « Si le snobisme est synonyme de qualité de vie, de sécurité et d’emploi, alors, oui, Le Zoute est snob ! En fait, il ne faut pas confondre le snobisme avec l’art de bien vivre. Ici, la notion du ‘beau’ est essentielle. Pour tout le monde. Tout est fait pour que le résident ou le visiteur se sente à l’aise, bien dans sa peau, heureux et épanoui. A l’air libre et sans stress. »

Souvent visionnaire, il avait anticipé de longue date l’évolution de la société, favorisant à Knokke les balades à pied, à vélo, en scooter ou en voiturette de golf !

La passion du golf

Le golf était, il est vrai, sa grande passion. Au Royal Zoute Golf Club, propriété de la Compagnie du Zoute dont il était le président, il savourait chaque instant à sa juste mesure. Excellent joueur, il aimait chasser le birdie avec ses meilleurs amis ou carrément seul, pour se ressourcer loin du stress et du brouhaha. Mais il aimait aussi se poser à la table du club-house pour déguster, au choix, une croquette aux crevettes ou un cabillaud mousseline. « C’est la meilleure adresse de la côte », souriait-il en connaisseur.

Au fil des ans, il avait, en tout cas, fait du RZGC l’un des clubs les plus prisés du royaume. « The place to be. » A la belle saison, il n’était pas rare de voir plusieurs grands dirigeants du Bel 20 participer aux compétitions du week-end et, ensuite, refaire le monde en terrasse comme s’il s’agissait d’un conseil d’administration ! Le regretté Albert Frère était, notamment, un habitué des lieux.

Mais le comte Lippens veillait aussi, parallèlement, à faire du Zoute un club de référence sur le plan sportif. Le parcours, d’une rare beauté naturelle, a accueilli, bien sûr, les plus grandes compétitions nationales. Mais il a aussi été le théâtre de grands tournois internationaux. Rappelez-vous : avec son ami John Goossens, Léopold Lippens avait créé le Belgacom Open, un tournoi de l’European Tour qui a réuni, à la fin des années 90, quelques-uns des meilleurs joueurs du monde, dont Nick Faldo, Ian Woosnam, Lee Westwood, Jose-Maria Olazabal ou, bien sûr, Severiano Ballesteros. Souvenirs, souvenirs…

Club très privé, réservé à ses membres, très francophone d’esprit, le Royal Zoute Golf Club a toujours occupé une place à part dans le paysage golfique national. On l’a souvent dit très élitiste. De fait, le président avalisait personnellement les candidatures. Mais il veillait aussi, parallèlement, à rendre son parcours accessible – à des conditions très favorables – aux habitants de sa commune grâce au « club des caddies et des artisans » dont il était très fier.

Une chose est sûre : désormais, sans le boss, rien ne sera plus pareil du côté du Zoute.

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