Lors du récent Masters, l’Augusta National Golf Club a honoré Lee Elder, le premier Noir à avoir disputé le tournoi et le mentor de Tiger Woods. Un geste très symbolique.


Ce fut un beau moment d’émotion. Lors de la traditionnelle cérémonie d’ouverture du dernier Masters, l’Augusta National Golf Club a rendu un vibrant hommage à Lee Elder, premier joueur afro-américain à avoir disputé le Masters en 1975. Pour l’occasion, l’ancien champion, âgé aujourd’hui de 86 ans, avait pris place sur le tee n°1 aux côtés de Jack Nicklaus et de Gary Player, deux légendes du golf mondial. Une image forte qui a fait le tour du monde.

Le club géorgien, ultra-fermé et exclusif, a longtemps interdit l’accès au parcours aux joueurs blacks. Seuls les caddies de couleur étaient autorisés à fouler les greens, juste pour porter les sacs des membres blancs de ce bastion sudiste et ségrégationniste.

C’est parce qu’il avait remporté un tournoi officiel du PGA Tour que le « board » du Masters avait accepté, du bout des lèvres, d’autoriser Lee Elder à disputer l’édition de 1975. Depuis, bien sûr, les mentalités ont évolué. Tiger Woods, quintuple vainqueur de l’épreuve, a fait bouger les lignes. Mais le club le plus prestigieux du monde éprouve toujours bien du mal à se débarrasser de sa réputation discriminatoire.

« Aujourd’hui, Lee nous inspire tous et écrit l’histoire à nouveau. »

En plaçant Lee Elder sur le devant de la scène et en l’invitant à donner symboliquement le coup d’envoi de ce Masters 2021, ses dirigeants ont donc lancé un message symbolique alors que le débat autour du racisme attise toujours bien des tensions aux Etats-Unis. « Aujourd’hui, Lee nous inspire tous et écrit l’histoire à nouveau », déclara Fred Ridley, le président de l’Augusta National, sous une grande ovation. Des paroles qui auraient été impensables voici quelques années encore. Plusieurs anciens vainqueurs du tournoi, parmi lesquels Nick Faldo, Phil Mickelson et Bubba Watson, étaient d’ailleurs en première ligne. Et on lisait une véritable émotion sur leurs visages.

En convalescence dans sa villa de Floride, après son grave accident de la route du mois de février, Tiger Woods n’était malheureusement pas présent. Mais nul doute qu’il a apprécié le moment à sa juste valeur. En 1997, après son premier sacre à Augusta, il avait d’ailleurs rendu hommage à celui qu’il considérait un peu comme son mentor.

Lee Elder n’a évidemment pas le palmarès du « Tigre ». Il a remporté quelques tournois sur le circuit américain mais il n’a jamais réussi à s’adjuger un titre majeur. En revanche, il a marqué les esprits et a largement contribué à la lutte contre le racisme. Lorsqu’il devint professionnel, en 1967, l’Amérique subissait de plein fouet ce fléau. Et, dans un sport comme le golf, l’arrivée d’un Noir au sommet de l’affiche alimentait souvent la haine. Lee Elder a fréquemment évoqué les menaces de mort qu’il recevait à la veille de chaque compétition et rappelé qu’il était parfois obligé de se changer dans le parking faute d’avoir accès aux vestiaires de certains club-houses.

Lors de sa participation au Masters de 1975, il se sentait investi d’une mission. Sur le tee n°1, ses jambes tremblaient. Mais il fut vite rassuré par la foule qui, en grande majorité, lui réserva de belles acclamations. Il avait gagné son pari.

Le racisme défraye toujours, ces temps-ci, les chroniques dans les coulisses du sport aux Etats-Unis. Le Comité Olympique Américain vient même d’autoriser les athlètes à lever le poing ou à s’agenouiller pendant l’hymne national lors de certaines épreuves. On n’en était pas encore là à Augusta. Mais l’hommage à Lee Elder a fait frissonner une partie de l’Amérique et a partiellement éclipsé la belle victoire finale du Japonais Hideki Matsuyama.

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