Retour sur la formidable histoire de cet étalon légendaire qui a largement contribué aux succès de la famille Pessoa.


Le saut d’obstacles est, de loin, la discipline équestre la plus populaire et la plus médiatisée aux quatre coins du globe. Les meilleurs cavaliers mondiaux actuels et passés jouissent d’une belle cote de popularité et c’est également le cas de certains chevaux qui ont écrit l’histoire de la discipline grâce à leurs performances en compétition. Les noms de « Milton » et de « Jappeloup », les deux meilleurs ennemis, restent ainsi gravés dans la mémoire collective au même titre que celui – plus proche de nous – de « Baloubet du Rouet ».

Pour réaliser l’exceptionnelle carrière qui fut la sienne fin des années 1990, début des années 2000, l’étalon alezan a eu la chance de tomber sur une famille emblématique et charismatique des sports équestres, la famille Pessoa. Mais l’inverse est tout aussi vrai tant « Baloubet » a sublimé la carrière de Rodrigo Pessoa, permettant au légendaire cavalier brésilien d’accrocher les plus beaux succès de sa carrière dont le titre olympique à Athènes, en 2004.

La famille Pessoa

« Baloubet » a vu le jour le 8 mai 1989 au sein de l’élevage du Rouet dont il est rapidement devenu le plus beau fleuron. C’est à Saint-Aubin-de-Terregatte, à proximité du Mont-Saint-Michel, dans la Manche, que l’étalon est né… Et bien né ! Son éleveur, Louis Fardin, a, en effet, misé sur l’une de ses meilleures poulinières, « Mésange du Rouet », ainsi que sur le chef de race « Galoubet A », connu pour ses exploits sous la selle du Français Gilles Bertrán de Balanda mais également comme père de plusieurs champions dont « Baloubet » deviendra le chef de file !

Avec une mère au caractère bien trempé et un père fougueux, l’étalon Selle Français a démontré une très forte personnalité dès son plus jeune âge. Acheté par le vétérinaire Blanchard dans un premier temps, il est ensuite vendu à 3 ans au Portugais Diego Pereira Coutinho – « un achat coup de foudre » – et débute sa carrière de sauteur en compagnie du Français Rémy Bourdais dans les épreuves réservées aux jeunes chevaux. « Baloubet » passe, ensuite, sous la selle de Nelson Pessoa, le sorcier brésilien, ami de Diego Pereira Coutinho, dont les mains expertes ont petit à petit façonné le bel alezan et lui ont permis de briller au plus haut niveau du saut d’obstacles international.

Ensemble, « Baloubet du Rouet » et Nelson Pessoa ont été finalistes du championnat du monde des 6 ans et champions de France des 7 ans mais aussi finalistes des Jeux équestres mondiaux de Rome en 1998. Plus tôt, cette même année, l’alezan s’était illustré sous la selle du fils de Nelson Pessoa, Rodrigo, en remportant sa première finale du circuit de la Coupe du Monde. « Nous sommes encore en phase de conquête. Il nous faudra encore du temps ou une grande victoire, comme les jeux Olympiques, par exemple, pour devenir très complices », commentait alors le cavalier brésilien au lendemain de son succès à Helsinki.

Dans la foulée, deux autres finales sont venues s’ajouter au palmarès du couple : en 1999, à Göteborg, et en 2000, à Las Vegas. L’exploit n’est pas des moindres puisqu’à ce jour, « Baloubet » reste le seul cheval à avoir remporté cette compétition de prestige trois années de suite ! Il partage avec son cavalier cette même envie de gagner et obtient la récompense ultime à Athènes, lors des jeux Olympiques de 2004. L’Irlandais Cian O’Connor achève la compétition à la première place mais le cheval de l’Irlandais, « Waterford Crystal », est testé positif à deux substances interdites. La médaille d’or et le titre olympique reviennent finalement à Rodrigo Pessoa et à « Baloubet du Rouet », qui entre définitivement dans la légende.

« Un grand ‘Monsieur’ »

Sur l’ensemble de sa carrière, l’alezan a remporté pas moins de soixante-cinq succès. Notamment un dans le Grand Prix de l’Audi Equestrian Masters à Bruxelles, en 2005. L’un de ses derniers coups d’éclat. Son propriétaire, Diego Pereira Coutinho, l’a retiré de la compétition fin 2006. L’heure de la retraite sportive avait sonné pour le meilleur Selle Français de l’histoire mais celui-ci suscitait désormais un vif intérêt de la part des éleveurs à travers le monde. Installé au Haras de Ligny, près de Namur, durant l’essentiel de sa carrière, l’étalon rejoint alors le centre de reproduction de Linalux, à Ciney.

« ‘Baloubet’ avait beaucoup de caractère et une grosse personnalité », se souvient Audrey Franche qui fut sa cavalière et sa groom durant plus de deux ans au centre de Linalux où il était traité avec les égards dus à son rang. « C’était un grand ‘Monsieur’ qui savait ce qu’il voulait. Il avait encore énormément d’énergie et il fallait savoir le canaliser. » Durant sa carrière de reproducteur, « Baloubet » a été amené à se produire lors de différents shows d’étalons à travers l’Europe. Ce qu’il affectionnait tout particulièrement. « C’était un autre cheval quand on le présentait », sourit Audrey France. « Dès qu’on arrivait à l’entrée de piste, il savait que c’était pour faire le show. Il savait qu’il était là pour se montrer et il adorait ça », poursuit la cavalière qui conserve d’excellents souvenirs de sa rencontre avec le champion. « J’ai eu beaucoup de chance d’avoir pu croiser sa route. J’en ai encore des frissons aujourd’hui. ‘Baloubet’ a marqué les esprits. Il était fabuleux. »

Une trace indélébile

Fin novembre 2010, « Baloubet » a quitté la Belgique pour rejoindre le Portugal où Diego Pereira Coutinho souhaitait lui offrir une paisible retraite, loin de toute agitation. C’est là-bas qu’il s’est éteint le 7 août 2017, à 28 ans. Mais ce n’est que dix jours plus tard que la communauté équestre a appris sa disparition. Y compris Rodrigo Pessoa. « Tu es arrivé comme un enfant mais tu as montré beaucoup de potentiel dès ton premier saut. Les débuts n’ont pas été faciles mais tu étais tellement intelligent que tu as tout compris très vite. Tu as grandi pour devenir l’un des plus grands chevaux de l’histoire. Talent, beauté, énergie, puissance, compétences et élégance ont fait de toi le meilleur », déclarait le Brésilien en hommage à « Baloubet ».

Reconnu sur le tard comme un bon géniteur, l’alezan a, depuis sa retraite sportive, engendré de nombreux champions en saut d’obstacles mais aussi dans la discipline du concours complet. Les performances de ses descendants lui ont même valu d’emmener deux années de suite, en 2012 et en 2013, le classement des meilleurs étalons-reproducteurs au monde. Il est aujourd’hui le père de plus de cinq cents chevaux qui évoluent ou ont évolué sur le circuit international. Une démonstration supplémentaire de son empreinte indélébile sur les sports équestres.

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