Dix ans déjà ! Dix ans déjà que Paul Newman nous a quittés laissant Hollywood orphelin d’un acteur de génie ayant fondamentalement redéfini la profession d’acteur


On ne sait quelle fée s’est penchée sur le berceau de Paul Newman le 26 janvier 1925 mais elle s’est montrée généreuse. Tout semble lui avoir été donné : une beauté surréelle, magnifiée par un regard bleu magnétique que les années ne réussiront pas à ternir. Un don pour la comédie qui contribuera à redéfinir le métier et dont l’influence est perceptible aujourd’hui encore. Une humanité profonde, qui le poussera à s’engager toute sa vie pour les autres, notamment avec sa fondation Newman’s Own, entreprise de produits alimentaires dont chaque dollar de bénéfice a été reversé à des œuvres de charité. Ajoutez-y sa passion pour le pilotage automobile, et vous aurez compris que Paul Newman incarnait une forme d’accomplissement, professionnel et humain.

Le rêve brisé du pilote d’avion

Il rêvait d’être pilote d’avion mais son daltonisme brisera ce rêve. Flash-back. Alors qu’il semble destiné à une belle carrière sportive, Paul Newman, engagé comme radio dans la Navy, se blesse durant la Guerre du Pacifique. Le sport de haut niveau lui tourne le dos. Mais qu’à cela ne tienne : il se tourne vers l’art dramatique, qu’il étudie d’abord à Yale, puis à l’Actor’s Studio, où il reçoit l’enseignement de Lee Strasberg. Il commence à se faire un nom en jouant à Broadway dans des pièces telles que « Picnic » et « The Desperate Hours ». Mais sa carrière démarre réellement lorsqu’il interprète le boxeur Rocky Graziano dans « Marqué par la haine », de Robert Wise (1956), puis Billy the Kid dans « Le Gaucher », d’Arthur Penn (1958). Cet exemple type de western psychologique révèle au grand public ce que sera le jeu de Paul Newman :  un mélange subtil d’intériorité et d’intensité prête à exploser. Comme Marlon Brando, James Dean et Montgomery Clift, il redéfinit et modernise la notion d’acteur. Toujours en 1958, il donne la réplique à Elizabeth Taylor dans « La Chatte sur un toit brûlant », de Richard Brooks, d’après la pièce de Tennessee Williams. Venant contredire l’hystérie de la comédienne, son jeu impassible fait merveille. C’est enfin cette même année qu’il fait la connaissance de Joanne Woodward sur le tournage des « Feux de l’été », de Martin Ritt. Une histoire d’amour qui durera jusqu’à la fin.

Il enchaîne, ensuite, les rôles marquants : le capitaine Ari Ben Canaan qui, contre l’avis de la Grande-Bretagne, brave tous les dangers pour mener six cents juifs vers la Terre Promise dans « Exodus », d’Otto Preminger (1960), l’as du billard « Fast » Eddie Felson, dans « L’Arnaqueur », de Robert Rossen (1961), ou encore l’acteur raté de « Doux Oiseau de jeunesse », de Richard Brooks, toujours d’après Tennessee Williams. En 1967, il crée une véritable icône du cinéma : dans « Luke la main froide », de Stuart Rosenberg, il campe un ancien soldat incarcéré dans une prison rurale et qui peu à peu gagne le respect des autres détenus de par son attitude décontractée et inflexible. Paul Newman y devient l’archétype d’un certain idéal rebelle. Acteur au charme magnétique, voire animal, malicieux et espiègle parfois, mais toujours doté d’un feu intérieur dont le bleu des flammes illumine ses yeux, Paul Newman ne se départit jamais de sa classe légendaire.

La passion du sport automobile

C’est en 1968, sur le tournage de « Virages », qu’il découvre ce qui deviendra sa deuxième passion : le sport automobile. Il entame alors, en parallèle de son métier d’acteur, une carrière de pilote de course, durant laquelle il signera quelques performances notables, dont une deuxième place aux 24 Heures du Mans, en 1979. Son écurie (Newman Racing), fondée en 1978, deviendra Newman-Haas, une écurie de pointe dans le Champ Car, une discipline automobile très populaire aux Etats-Unis. Depuis 2007, la Newman Racing s’appelle la Newman Haas Lanigan Racing. On reverra encore Paul Newman au volant d’un de ses bolides lors des 500 Miles de Daytona, en 2005.

A l’écran, il incarnera également des personnages plus ambigus, tels que l’espion du « Piège », de John Huston (1973), pour lequel il avait interprété un étonnant juge Roy Bean l’année précédente, et un singulier Buffalo Bill, dans le satirique « Buffalo Bill et les Indiens », de Robert Altman. On se souviendra de lui en valeureux architecte tentant d’arracher aux flammes les victimes de la corruption dans « La Tour Infernale », de John Guillermin et Irwin Allen (1974). Mais Paul Newman fait également partie des acteurs qui se sont piqués de réalisation : il passera pour la première fois derrière la caméra en 1968 avec « Rachel, Rachel » et tournera en 1972 son film le plus connu, le drame « De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites ». Avec sa dernière réalisation, en 1987, il retrouvera son amour du théâtre en adaptant « La Ménagerie de verre », de Tennessee Williams.

Joanne Woodward, son grand amour

Mais au-delà de sa carrière exceptionnelle, c’est pour son histoire d’amour intemporelle, longue et rare pour un couple hollywoodien, que la superstar est également célèbre. Paul et Joanne Woodward se sont aimés pendant plus d’un demi-siècle, formant un couple légendaire du cinéma hollywoodien. Le Festival de Cannes leur a d’ailleurs rendu hommage lors de sa soixante-sixième édition en affichant leur amour en noir et blanc. Une image au message tendre et plein d’espoir, quand on sait qu’ils ont vécu cinq décennies ensemble, suite à leur coup de foudre sur le tournage des « Feux de l’été ». En promettant de s’aimer « jusqu’à ce que la mort (les) sépare », les héros du film de Martin Ritt ne croyaient pas si bien dire. Leur mariage express à Las Vegas en 1958 avait battu le record des plus longues noces célébrées dans la ville du jeu. Sans doute sont-elles aussi les plus longues et passionnées qu’ait connu Hollywood !

Dix ans après leur rencontre, Newman réalise le superbe « Rachel, Rachel » et le film est un triomphe. Il remporte le Golden Globe du meilleur réalisateur pour la mise en scène de ce film – le seul de sa carrière –, tandis que Joanne Woodward obtient, pour son rôle d’institutrice trentenaire vivant toujours chez sa mère, le prix de la Critique new-yorkaise. L’actrice tourne ensuite dans deux autres films de son mari « L’Affrontement », en 1983, puis « La Ménagerie de verre », quatre ans plus tard. Au total, ils se seront donné la réplique dans onze œuvres, dont « La Fille à la casquette », de Melville Shavelson, qui a fêté récemment cette année ses 50 ans. Un anniversaire qu’a souhaité célébrer le Festival de Cannes en 2013 à travers son affiche en noir et blanc, présentant le couple s’embrassant en position de fœtus. Après cinquante belles années à tourner des films ensemble, à voyager, à élever leurs trois filles – Elina-Teresa, Melissa-Stewart et Cela-Olivia – et à s’engager dans des actions contre la drogue, l’alcool et le cancer, pour l’aide aux enfants et le soutien aux homosexuels, leur mariage et leur vie commune se sont brusquement arrêtés le 26 septembre 2008, jour du décès de l’acteur oscarisé en 1987 pour « La Couleur de l’argent », de Martin Scorsese, emporté par un cancer des poumons.

Sa Rolex, vendue 17,8 millions de dollars

Paul Newman continue à fasciner le monde. L’année dernière, une de ses montres, une Rolex « Cosmograph Daytona », qui lui avait été offerte en 1969 par son épouse et actrice Joanne Woodward lors du tournage du film « Virages », a été adjugée pour la somme record de 17,8 millions de dollars au cours d’une vente aux enchères à New York.

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