L’édition 2023 du Masters s’est disputée du 6 au 9 avril. Les trous 11, 12 et 13 de l’Augusta National sont diaboliques et ont été le théâtre d’improbables renversements de situation. Evocation.


Magnifiques mais diaboliques, les trous nos 11, 12 et 13 de l’Augusta National figurent parmi les plus redoutés des champions. Lors du Masters, ils composent le légendaire Amen Corner où, si souvent, le tournoi s’est décidé.

Dénommé le « Cornouiller blanc », le trou 11 est un par 4 de 460 m plutôt étroit et en descente. Le green aux mille et une pentes est ceinturé par l’eau, à gauche, et par un bunker, à droite. C’est dire si l’approche est redoutable. Le n°12 est un par 3 d’une infinie beauté d’à peine 140 m. Mais avec son green minuscule, il s’érige en véritable poison. Nous y reviendrons. Enfin, le n°13, dénommé « Azalée », est un par 5 dessiné en dog-leg gauche. Il vient d’être rallongé pour atteindre près de 500 m. S’il réussit un bon drive, le joueur peut toujours tenter de toucher le green en deux coups. Mais, là encore, le paradis est tout près de l’enfer : un obstacle d’eau accueille, en effet, généreusement les balles mal calibrées.

En réalité, l’Amen Corner – du nom d’un vieux blues popularisé par le clarinettiste Milton Mezz Mezzrow – ne pardonne rien, surtout lors du dernier tour du Masters où la pression pèse des tonnes sur les épaules des joueurs. Combien de drames ne se sont-ils pas joués sur ces trois trous de légende, conçus dans ce dessein par le grand Bobby Jones. La moindre petite erreur de jugement et, d’un coup, ce sont tous les rêves de conquête qui peuvent s’évaporer…

Même le grand Severiano Ballesteros s’y est pris les pieds dans le tapis. En 1980, avec 10 coups d‘avance, l’Espagnol semblait lancé vers un sacre facile. Mais, tétanisé par l’enjeu, il concéda un double bogey sur le 12, puis un bogey sur le 13. Il revêtira finalement la « green jacket » mais en tremblant et avec une meute de poursuivants à ses trousses !

Rory McIlroy y a également vécu un véritable traumatisme. En 2011, il survolait le tournoi lorsqu’il perdit toutes ses illusions dans l’Amen Corner. « En regardant la télé, on n’imagine pas les difficultés technique et tactique de ces trous, les pentes cachées, la complexité et la vitesse des greens. C’est juste incroyable », résume Nicolas Colsaerts qui disputa le Masters en 2013 et qui en garde des étincelles dans les yeux.

Le diabolique trou n°12

Le trou n°12 est le par 3 le plus célèbre du monde. Une véritable carte postale pour le regard, un pur cauchemar pour le swing !  C’est le trou le plus court de l’Augusta National : à peine 140 mètres. Sur un autre parcours, il s’agirait d’une simple formalité pour un joueur professionnel. Et pourtant, lors du Masters, tous les grands champions le redoutent comme la peste.

A Augusta, tous les trous portent le nom d’une fleur. C’était la volonté de Bobby Jones, créateur des lieux et l’un des champions les plus doués de l’histoire. Le 12 a ainsi été baptisé « Golden Bell », littéralement « Clochette d’or », en hommage à des arbustes jaunes de la famille des Oleaceae.

Posons le décor. D’apparence, l’endroit est très bucolique avec un petit pont qui surplombe une jolie rivière (la Rae’s Creek), de grands bunkers immaculés et des tapis de fleurs en toile de fond. Mais il convient de se méfier de ces apparences de jardin botanique. Ce trou recèle, en effet, tous les pièges, un peu comme si le diable y avait élu résidence. « En arrivant sur le tee, mieux vaut prier et s’en remettre au destin », sourit Patrick Reed, vainqueur du tournoi en 2018.

Du départ, le joueur a une vue plongeante sur le green. « Mais ici, le vent joue un rôle essentiel. Il est sournois et se cache derrière les arbres. Il est donc très difficile de mesurer sa force. Du coup, selon la météo du jour, on utilise un fer 7 ou un pitch. Même lorsque tout semble calme, une petite brise peut complètement bouleverser la trajectoire de la balle. C’est très perturbant », résume Larry Mize, lauréat en 1987.

De fait, une fois le coup frappé, bonjour l’angoisse. S’il est un peu court, la balle se retrouvera volontiers dans l’obstacle d’eau ou dans la trappe de sable. S’il est un peu long, c’est carrément dans les jardins manucurés qu’elle terminera sa course. Et que dire du green, étroit comme un confetti, ondulé comme une montagne russe et rapide comme le marbre d’une salle de bains de Hollywood. « Rien n’est simple sur ce trou. En fonction de la position du drapeau, il faut essayer de poser sa balle sur une surface idéale de quelques centimètres carrés à peine, sous peine de se retrouver automatiquement en difficulté. C’est de la haute précision », rappelle Jack Nicklaus, recordman des victoires à Augusta avec six « green jackets » dans sa garde-robe.

Des moments d’histoire

On ne compte plus les moments d’histoire qui se sont écrits sur ce trou légendaire, unique en son genre. Lors de la dernière journée du Masters, « Golden Bell » est un véritable juge de paix, un peu comme le dernier tronçon de pavés à Paris-Roubaix. Il peut lancer un joueur vers la gloire. Il peut, de la même façon, sceller son sort de condamné. Le paradis ou l’enfer en une fraction de seconde.

Même les plus grands ont rendu les armes sur ce « 12th hole ». Lors du Masters de 1959, le légendaire Arnold Palmer y avait perdu toutes ses illusions en concédant un triple bogey. En 2021, Tiger Woods y avait signé un hallucinant 10 sur sa carte de score. Et que dire de Jordan Spieth qui, en 2016, envoya deux fois sa balle dans la rivière alors qu’il était largement en tête du tournoi ? L’Italien Francesco Molinari a vécu le même cauchemar en 2019, alors qu’il se battait pour la victoire avec Tiger Woods. Il ne s’en est toujours pas remis ! Ceci dit, la palme d’or des malheurs sur ce trou défiant la raison est toujours entre les mains de l’Américain Tom Weiskopf qui, en 1980, rentra un score de 13 sur ce par 3, avec cinq balles dans l’eau ! Qui dit mieux ?

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