L’équipe européenne a nettement dominé son homologue américaine lors des dernières éditions. Qu’en sera-t-il cette fois, à Whistling Straits ?


Reportée en 2020 en raison de la pandémie, la quarante-troisième édition de la Ryder Cup se dispute, du 24 au 26 septembre, sur le parcours de Whistling Straits, dans le Wisconsin. Depuis sa naissance, en 1927, l’épreuve s’était traditionnellement disputée, tous les deux ans, lors des années impaires. Les attentats du 11 septembre 2001 avaient obligé les organisateurs à postposer l’édition du Belfry à 2002 et à opter, ensuite, pour les années paires. « Grâce » au Covid, voilà donc la légendaire compétition à nouveau programmée comme à ses débuts…

La Ryder Cup occupe une place à part dans le monde du sport, en général, et du golf, en particulier. Dans une discipline ultra-individuelle et pilotée par l’argent roi, elle se joue en équipe et sans proposer le moindre prize money ! Il ne se trouve pourtant pas un seul joueur professionnel, fût-il blasé, qui ne rêve de la disputer ! C’est ce qui fait toute sa magie. « C’est une compétition différente, totalement unique. Les rencontres se jouent en match-play. On défend les couleurs d’un continent. L’honneur est en jeu. On se sent transcendé, comme en mission », évoque Nicolas Colsaerts qui a participé à l’épique édition de 2012, à Medinah. En état de grâce (8 birdies et un eagle) lors de son premier match de double, il s’était offert, avec Lee Westwood, le scalp de Tiger Woods en personne. « Jamais je n’oublierai ce moment. C’était magique », confie le « Belgian Bomber ».

Domination américaine

La Ryder Cup a officiellement vu le jour en 1927, un peu par hasard. A l’époque, les meilleurs joueurs anglais et américains s’affrontaient occasionnellement. Mais les rencontres manquaient de vraies structures. Grainetier fortuné de Londres et passionné de golf, Samuel Ryder va permettre au duel de sortir de l’ombre. Sur les conseils de son « pro » Abe Mitchell, il accepte de jouer les mécènes et de parrainer l’épreuve. Mieux : il commande un trophée en or 14 carats à la prestigieuse compagnie Mappy & Webb. Le marchand de maïs ne se doutait assurément pas de la portée du petit grain qu’il venait de planter dans le green !

La pendaison de crémaillère de la Ryder Cup se déroule, les 3 et 4 juin 1927, sur le parcours du Worcester Country Club, dans le Massachusetts. Emmenés par le grand Walter Hagen (joueur et capitaine) et par le mythique Gene Sarazen, les Américains dominent nettement cette pendaison de crémaillère, s’imposant par 9 points et demi à 2 points et demi.

Lors des premières éditions, l’équipe américaine dicte d’ailleurs sa loi sans partage. On ne recense ainsi que deux succès britanniques : en 1929, à Moortown, et en 1933, à Southport. Il faut ensuite attendre l’édition de 1957, jouée au Lindrick GC, pour que la Ryder Cup file à nouveau en Grande-Bretagne. Largement menés après les doubles, les joueurs du capitaine Dai Rees signent une improbable remontée lors des simples pour s’adjuger le trophée. Cette défaite resta au travers de la gorge des Américains qui, ensuite, collectionneront les succès et profiteront pleinement d’une génération dorée emmenée par les Palmer, Casper, Trevino, Snead, Nicklaus, Floyd, Watson, Kite ou Nelson.

La naissance de l’Europe !

Au fil des ans, cette domination US commence d’ailleurs à lasser. Les duels deviennent trop disproportionnés pour rester crédibles. L’avenir de la Ryder Cup est en danger. Conscient du problème, le grand Jack Nicklaus suggère, en personne, d’autoriser les meilleurs joueurs européens à renforcer l’équipe britannique. L’US PGA, en accord avec les descendants de Samuel Ryder, marque son accord pour cette (r)évolution.  En 1979, sur le parcours The Greenbrier, en Virginie, c’est donc une véritable équipe européenne, avec les Espagnols Severiano Ballesteros et Antonio Garrido, qui défie les Etats-Unis. Sur ses terres, l’Amérique reste la plus forte (17-11) mais, dans l’esprit de tous les observateurs, la Ryder Cup a acquis une nouvelle dimension et est entrée dans une nouvelle ère.

C’est en 1985, sur le parcours anglais du Belfry, que la poudre magique européenne fait tout son effet. Le capitaine Tony Jacklin, fin psychologue, a formé une équipe très homogène. Menés après les « foursomes », les Européens renversent complètement la situation pour s’imposer 15-10 grâce, notamment, à un phénoménal Ballesteros. Deux ans plus tard, à Muirfield Village (Ohio), l’Europe confirme sa prise de pouvoir et signe un improbable doublé en s’imposant sur les terres ennemies. C’est la première victoire européenne aux Etats-Unis ! Même Jack Nicklaus, promu au rang de capitaine US, n’en revient pas…

La nouvelle génération du Vieux Continent (Ballesteros, bien sûr, mais aussi Faldo, Woosnam, Olazabal, Langer) prend clairement le pouvoir. Et ce n’est qu’un début ! En regardant le palmarès, les chiffres sont implacables. Depuis 25 ans, les Etats-Unis n’ont soulevé que trois fois le trophée : en 1999, à Brookline, en 2008, à Louisville, et en 2016, à Chaska. Toutes les autres éditions ont été remportées par une équipe européenne qui, à défaut d’être plus talentueuse sur le papier, était bien plus soudée sur les greens !

Le rapport de Tiger Woods avec cette Ryder Cup est là pour prouver qu’il s’agit bien d’une épreuve complètement différente. Si souverain dans les grands tournois individuels, « Le Tigre » n’a jamais vraiment trouvé ses marques au sein du team US. Le plus grand joueur de l’histoire n’a ainsi remporté qu’une seule fois la compétition et, à titre personnel, a concédé 21 défaites pour seulement 13 victoires !

Un esprit de links britannique !

Qu’attendre de cette édition 2021 ? Touchés dans leur orgueil, les Américains ambitionnent évidemment de savourer une éclatante revanche sur le parcours de Whistling Straits. En 2018, au Golf National de Paris, les Européens leur avaient donné la leçon. Déjà dominateurs lors des doubles, ils avaient également survolé les simples pour s’imposer finalement 17 ½-10 ½.

Au départ, le « dream team » américain semblait pourtant intouchable avec un mélange de jeunesse talentueuse (Spieth, Thomas, Koepka, Fowler…) et d’expérience des vétérans (Woods, Mickelson…). Mais, à l’arrivée, tous les pronostics furent balayés. Prisonniers de tensions internes, les hommes de Jim Furyk sombrèrent corps et âme. Accrochés aux vraies valeurs de l’épreuve (team spirit, solidarité, surpassement de soi…), les Européens n’en demandaient pas tant !

Pour le rendez-vous de cette année, les Américains réussiront-ils à mettre de côté leurs rivalités intestines pour se forger un état d’esprit collectif de vainqueurs ? « That’s the question ! » Le capitaine Steve Strecker s’efforce depuis plusieurs mois de créer l’union sacrée mais les récents différends entre Brooks Koepka et Bryson DeChambeau ne sont pas de très bon augure !

Une fois encore, les USA, qui comptent sept joueurs parmi les dix premiers mondiaux, partiront favoris. Ils seront en prime poussés vers l’exploit par un public que l’on attend – enfin ! – nombreux le long des fairways. Mais on peut faire confiance aux hommes de Padraig Harrington, emmenés par Jon Rahm et Rory McIlroy, pour vendre chèrement leur peau.

Dessiné en 1998 par le génial architecte Pete Dye le long du lac Michigan et sur une ancienne base aérienne, le championship course de Whistling Straits a des allures de faux links britannique ! La plupart des trous sont d’une fulgurante beauté avec des vues improbables le long des falaises et des bunkers à perte de vue. On en dénombre près de mille, comme si d’un vaste bac à sable il s’agissait !

Ce parcours atypique a déjà accueilli de nombreuses grandes compétitions dont trois PGA Championship. Ils avaient vu les victoires du Fidjien Vijay Singh (en 2004), de l’Allemand Martin Kaymer (2010) et de l’Australien Jason Day (2015). On ne peut assurément pas dire que les Américains ont fait preuve de superstition à l’heure de choisir le terrain hôte de l’événement !


Les 10 dernières éditions

1999 The Country Club                             USA 14½ – Europe 13½

2002 The Belfry                                          Europe 15½ – USA 12½

2004 Oakland Hills CC                               Europe 18½ – USA 9½

2006 The K Club                                         Europe 18½ – USA 9½

2008 Valhalla Golf Club                            USA 16½ – Europe 11½

2010 Celtic Manor                                     Europe 14½ – USA 13½

2012 Medinah CC                                      Europe 14½ – USA 13½

2014 Gleneagles                                        Europe 16½ – USA 11½

2016 Hazeltine GC                                     USA 17 – Europe 11

2018 Golf National                                    Europe 17½ – USA 10½

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