Situé sur la baie de Monterey, en Californie, le parcours de golf de Pebble Beach est l’un des plus mythiques et des plus renommés du monde.  Attention les yeux !


« Si je n’avais plus qu’un parcours à jouer, c’est Pebble Beach que je choisirais… »

Sortant de la bouche de Jack Nicklaus, l’un des meilleurs joueurs de tous les temps, le compliment prend évidemment une dimension exceptionnelle. Il résume, en réalité, le sentiment de nombreux golfeurs  qui ont eu le privilège de fouler les fairways de ce petit coin de paradis dessiné le long des falaises californiennes, sur la presqu’île de Monterey, près de Carmel, à deux heures de voiture de San Francisco. Un décor de rêve balisé par l’océan, un championship course de légende avec quelques trous qui défient la raison et une atmosphère magique propre aux clubs historiques : avec l’Augusta National, le Old Course de St.Andrews ou Valderrama, Pebble Beach est un véritable lieu de pèlerinage pour les fidèles de la balle alvéolée. Et, en prime, il s’agit d’un parcours public. Ouvert à tous. Enfin, presque…

Des architectes amateurs

Le parcours est né en 1919 – il y a juste 100 ans – du crayon de Jack Neville et de  Douglas Grant. Le terrain appartenait à l’époque à la société immobilière Del Monte Properties Company, présidée par Samuel Morse. Ce dernier, précurseur, souhaitait faire du golf un outil de promotion pour le développement  de son resort résidentiel.

Dans un premier temps, il envisagea de faire appel à Charles Blair Macdonald, l’une des références du moment dans l’architecture golfique. Mais celui-ci n’avait aucune envie d’effectuer le lointain voyage sur la côte Ouest. Et puis, Morse n’avait qu’un budget limité. Neville et Grant n’étaient pas de véritables architectes. Excellents joueurs amateurs, ils étaient surtout des passionnés et de fins connaisseurs de golf. Ils acceptèrent de relever le défi, sans même parler d’argent !

« La tâche n’était pas trop compliquée. Tout était déjà quasiment en place, un peu comme si la nature avait prévu qu’un parcours de golf élirait résidence sur ces terres. Notre rôle a surtout été de positionner un maximum de trous le long de la baie. Après, il a suffi de couper quelques arbres, de semer du gazon et de prévoir un système d’arrosage », confièrent les auteurs, très modestes, après avoir terminé leur œuvre.

Lors de l’US Open 2000 le parcours vit son plus grand moment grâce à un certain… Tiger Woods.  

De fait, à l’instar de nombreux links britanniques, Pebble Beach était sans doute prédestiné à accueillir les chasseurs de birdies. Mais cela n’enlève rien aux mérites de Neville et de Grant qui utilisèrent pleinement leurs connaissances. Le fait que le dessin du parcours ait très peu changé au fil des ans en dit long, d’ailleurs, sur la qualité de leur travail.

Le fer 1 de Nicklaus

Au cours de son histoire, Pebble Beach a accueilli de nombreuses grandes compétitions. La première fut l’US Open Amateur de 1929. Pour l’occasion, le parcours fut mis aux normes du haut niveau par H.Chandler Egan. Il allongea quelques trous, ajouta des bunkers, modifia plusieurs greens mais sans toucher à l’esprit et à l’âme de ce « course » océanique. C’est en 1972 que le plus célèbre parcours californien accueillit son premier US Open, couronnant le grand Jack Nicklaus, déjà élevé au rang de meilleur joueur de l’époque.

Entre le « Golden Bear » et  Pebble Beach, c’est une longue et belle histoire d’amour. Il y avait remporté, en 1961, l’US Amateur. Et il était aussitôt tombé sous le charme de ce links qui convenait parfaitement à son style de jeu, mélange de puissance, de précision et de science tactique.

Son sacre de 1972 est, de son propre aveu, l’un des plus beaux de sa carrière. Agé de 32 ans, il est au sommet de son art. Mais la concurrence est rude. Le dernier tour se dispute sous un vent à décorner les bœufs. Arnold Palmer revient même, un moment, à hauteur de son grand rival. Mais Nicklaus ne se laisse pas déboussoler. Sur le trou n°17, un des plus difficiles par 3 des Etats-Unis, il sort son fer 1 pour frapper sous le vent. Le coup est sublime. Virtuellement téléguidée, la balle file droit vers le drapeau, touche le mât et s’arrête quelques centimètres plus loin. Le birdie est donné et la victoire, scellée !

Dix ans plus tard, Nicklaus pensait remettre son ouvrage sur le métier lors de ce même tournoi. Auteur d’un superbe dernier tour, il se retrouve en tête au club-house et croit avoir un nouveau Major en poche. C’est mal connaître Tom Watson qui rentre un chip improbable depuis le rough profond sur le trou n°17 et signe un birdie victorieux sur le 18 !

Nicklaus a poussé son amour de Pebble Beach jusqu’à modifier, à la demande du club, le trou n°5. A sa création, ce par 3 était coincé derrière une maisonnette. Lorsque le club a pu enfin racheter, en 1998, ce bout de terrain, c’est l’oncle Jack qui fut, fort logiquement, chargé de redessiner le trou dans le plus pur esprit local.

 

L’exhibition du « Tigre »

Devenu un grand classique des Grands Chelems américains, Pebble Beach accueille encore l’US Open en 1992 et sacre, cette fois, Tom Kite, là encore dans des conditions de jeu compliquées avec un vent fort fouettant les visages et les clubs.

Mais c’est sans doute lors de l’US Open 2000 que le parcours vit son plus grand moment grâce à un certain… Tiger Woods.

En mode martien, le n°1 mondial écrit carrément, lors de cette centième édition, l’une des plus belles pages de l’histoire du golf. Inspiré par les lieux, il rentre, d’entrée, une carte de 65 (-6) et il survole ensuite les débats de toute sa classe malgré la tempête. Au départ du dernier tour, pointé à 8 sous le par, il précède Ernie Els de dix coups. Du jamais-vu. Et ce n’est pas fini. Porté par son génie, il clôture le tournoi à 12 sous le par, avec 15 coups d’avance (un record) sur ses plus proches poursuivants. Jamais, sans doute,  « Le Tigre » n’est apparu aussi souverain et majestueux que lors de cet US Open de légende. Très ému, il dédia évidemment sa victoire à Payne Stewart, tenant du titre, décédé dans un accident d’avion huit mois plus tôt.

Woods aurait aimé s’offrir un nouveau trophée lors de l’édition de 2010 mais il dut se contenter de la quatrième place, laissant la victoire à l’Irlandais Graeme McDowell.

 

La magie du trou n°18

On le constate, Pebble Beach sacre traditionnellement les plus grands champions. Le parcours est, il est vrai, d’une grande difficulté naturelle, surtout lorsque le vent est de la partie, ce qui est évidemment très fréquent sur la péninsule de Monterey. Dans l’absolu, rendre une carte dans le par est déjà une très belle performance, même pour un joueur professionnel.
Les six premiers trous sont considérés comme les plus faciles. C’est dans cette partie du parcours qu’il faut faire ses provisions de bons points. « Si vous êtes déjà découragés au 6, c’est le meilleur endroit pour vous suicider », ironisait Lee Trevino, conscient de l’exigence des douze trous suivants !

Fairways étroits, rough épais, bunkers savamment placés, dog-legs retors, greens ondulés : les trous qui montent ensuite vers le sommet de la falaise sont, en effet, redoutables. Les vues sont, certes, magnifiques mais mieux vaut ne pas trop bayer aux corneilles : la moindre déconcentration se paye cash. Petit par 3 d’une centaine de mètre, le n°7 ne paye pas de mine. C’est même le plus court de l’histoire des Majors. Mais, baptisé « le petit diable », ceinturé par les bunkers et adossé à l’océan, il ne pardonne pas la moindre erreur. Il faut poser la balle sur un green aux allures de confetti sous peine de perdre toutes ses illusions en bordure du Pacifique. La légende raconte que le grand Sam Snead, terrorisé, avait préféré jouer ce trou avec son putter, histoire de mieux contrôler la situation !

Mais c’est forcément le mythique trou n°18 qui alimente le plus les conversations au club-house.  C’est sans doute le « finishing hole » le plus photographié dans le monde. Il s’agit d’un par 5 d’environ 500 m. L’océan longe la partie gauche du fairway tandis qu’un hors-limite accueille les balles sur la droite ! Le joueur drive, d’emblée, au-dessus de la falaise : c’est magique, fascinant et angoissant à la fois. Mais quel régal et quel souvenir pour le commun des mortels.

 

Parcours public

Pebble Beach n’a, officiellement, rien du club fermé et réservé à quelques membres triés sur le volet, comme l’Augusta National ou Cypress Point. Au contraire : il s’agit d’un parcours public, ouvert aux quatre vents, au propre comme au figuré. Mais le bonheur est néanmoins réservé à une élite. Le prix du green-fee est de 525 dollars et, pour obtenir prioritairement le sésame, le « visiteur » est gentiment « invité » à loger au « The Lodge » voisin, un palace qui facture la nuit à 1.000 dollars minimum.

Mais, dans cette Mecque du swing, on fait la file dès le lever du jour sur le tee numéro un. Des centaines d’autocars déposent en permanence des passionnés venus des quatre coins du monde. Le pro-shop vend 7 millions de casquettes par an et un photographe propose à chaque visiteur le cliché-souvenir pour 50 dollars ! 

Le parcours est intégré dans un domaine exclusif et féerique, au bord de l’océan Pacifique. De nombreux milliardaires, dont Gene Hackman, ont construit leur villa dans les environs. Le général Eisenhower avait, lui-même, sa résidence le long du dernier fairway. Et l’environnement est à la hauteur de ce petit coin de paradis avec des  goélands, des phoques, des otaries et des mouettes qui viennent volontiers dévorer les sandwichs des joueurs !

Après être passé aux mains d’investisseurs étrangers, le resort est, depuis 1999, la propriété de la Pebble Beach Company, un groupe d’investissement dans lequel on retrouve notamment Clint Eastwood. La société emploie 1.600 personnes et gère, sur quelques kilomètres carrés, à la fois des parcours de golf, des complexes immobiliers, des hôtels et des restaurants. Elle organise aussi le fameux concours d’élégance automobile qui réunit, chaque année, des voitures de légende. Mais c’est assurément le championship course de golf qui participe le plus à sa notoriété et à son… chiffre d’affaires.

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