Véritable trésor gastronomique, les œufs d’esturgeon constituent toujours un des mets les plus appréciés de la planète. Avec Arya Razavi, à la tête de la maison Caspian Tradition, décryptage d’un marché en pleine évolution.


Tant par sa texture inimitable que par sa saveur à la fois subtile et suave, le caviar est l’un des mets les plus prisés des gastronomes. Pour mémoire, seul l’esturgeon produit les œufs qui, une fois traités par un procédé mis au point en Iran, auront le droit de s’appeler caviar.

L’origine du nom est sujette à controverses : certains pensent qu’il viendrait du turc « khâviar », d’autres du tatare, d’autres encore supposent que le mot proviendrait de Kafa, un port de Crimée.

Quoi qu’il en soit, l’esturgeon se trouvait autrefois en abondance dans la mer Caspienne (89% de la production) et dans la mer Noire ainsi que dans divers fleuves aux estuaires très accessibles comme la Volga et l’Oural, qu’il remonte durant la période de frai. Toutefois, une pêche intensive, une lourde pollution et la construction de barrages sur les principales rivières ont amené, depuis une grosse soixantaine d’années, une diminution drastique du nombre d’esturgeons et, par conséquent, de la production de caviar. Cette raréfaction, combinée à un braconnage plus qu’intensif, a amené les autorités de la plupart des pays producteurs à purement et simplement interdire la pêche d’esturgeons sauvages aujourd’hui.

 

Un nouveau marché

Ainsi, les trois grandes variétés traditionnelles de caviar « sauvage » autrefois commercialisées dans leur version iranienne ou russe ne constituent malheureusement plus que des souvenirs. Exit donc les œufs du béluga (de la variété d’esturgeon huso huso, les plus gros et les plus chers), d’osciètre (de la variété d’esturgeon acipenser gueldenstaedtii ou persicus, autrefois très appréciés des connaisseurs) et, enfin, du sévruga (de la variété d’esturgeon acipenser stellatus, les plus petits et les plus abordables mais pas les plus mauvais…).

Alors, fini le caviar ? Heureusement, actuellement, un peu partout dans le monde, d’importants efforts ont été entrepris afin d’acclimater et d’élever différentes variétés d’esturgeons et de les amener à maturité dans une perspective de production de caviar.

Ainsi, on trouve aujourd’hui dans pas mal de pays des productions tout à fait dignes d’intérêt. Grosso modo, on peut considérer que la Chine représente 45 % du marché mondial, l’Europe – avec des pays aussi différents que la France, l’Espagne, l’Italie et même la Belgique –, quelque 40 % et le reste du monde – notamment l’Uruguay et Madagascar –, les 15 % restants.

Quid de la qualité ? Tout dépend, bien entendu, de la variété d’esturgeons mise en œuvre, de la qualité de l’eau, des conditions d’élevage (entre autres la maturité des poissons), de l’éventuel jeûne avant l’abattage (ce qui permet d’éviter le goût de vase) et, surtout, du savoir-faire dans la préparation des œufs.

L’importance de l’eau

Basée en Belgique, plus spécifiquement à Waterloo, la société Caspian Tradition s’érige en l’un des plus gros acteurs européens du secteur du caviar avec un volume de quelque 16 tonnes par an, toutes variétés confondues. Nombre de grandes enseignes prestigieuses passent par cette maison pour se fournir en produits souvent commercialisés sous leur propre étiquette. A la tête de cette entreprise clé du monde du caviar, Arya Razavi est une référence.  « La préparation demande des qualités évidentes. Ainsi, lors de nos achats, ce sont systématiquement des spécialistes de notre maison qui se rendent sur les lieux de production pour effectuer les opérations finales qui demandent une précision extrême aussi bien dans le dosage du sel que dans la manipulation des grains. Il s’agit essentiellement de collaborateurs iraniens qui avaient perdu leur emploi lors de l’interdiction de la pêche sauvage et qui ont ainsi pu retrouver leur activité. »

Concernant la qualité de l’eau, la maison Caspian a même ses propres élevages en Iran, alimentés par les eaux de la mer Caspienne. « Le résultat est remarquable, entre autres avec l’élevage des bélugas, le goût et la texture se rapprochant au mieux de celui des pêches sauvages d’antan. Malheureusement, pour des raisons administratives compliquées entre les services vétérinaires iraniens et la Communauté européenne, nous ne pouvons pour l’instant pas commercialiser ces produits à l’intérieur de l’Union. En terme de qualité, même si les produits chinois, par exemple, sont tout à fait remarquables, il y a tout de même une différence, liée précisément à cette qualité de l’eau… »

Vers un croisement des variétés

Le caviar reste un must réservé à une élite. « De manière générale, la demande des particuliers a tendance à grandir, entre autres parce que les prix sont devenus plus démocratiques qu’autrefois. Il est clair que la multiplication des sources de production a joué un rôle non négligeable dans cette nouvelle accessibilité, même si le produit conserve son statut de mets de luxe. »

La crise du Covid a forcément influencé le marché. « Il est clair que la demande de la restauration a diminué mais celle-ci a été largement compensée par celle des traiteurs et des particuliers. On a notamment constaté que, lorsque les consommateurs ne pouvaient plus se réunir en grands groupes, ils avaient davantage tendance à mettre du caviar sur la table, ce qui est souvent trop onéreux lorsque les convives sont très nombreux… » poursuit la patronne de Caspian Tradition.

En fait, le problème de la crise sanitaire se situe à un autre niveau. « Les différents confinements ont rendu les producteurs frileux et leur production a baissé par crainte de méventes. Or, comme on voit que la demande n’a, elle, pas baissé, il y a un petit déficit de production qui a évidemment une incidence sur les prix. Ceci ne s’est pas répercuté pour l’instant sur les prix de vente au consommateur final mais il ne faudrait pas que cette baisse de production se poursuive… »

Pour notre interlocutrice, l’avenir du secteur passe par l’amélioration des processus de production, entre autres grâce à des croisements entre variétés. « Un des plus gros problèmes est celui de la maturité des poissons. Autrefois, les esturgeons sauvages péchés pouvaient parfois atteindre 50 ou 60 ans, voire même jusqu’à 120 ans pour les plus gros bélugas (huso huso). Ce qui conférait aux œufs goût et texture inimitables. De tels vieillissements sont, hélas ! totalement inenvisageables dans les élevages, ne serait-ce que pour des raisons économiques. Or on s’est rendu compte qu’en croisant certaines variétés, comme, par exemple, le baerii (d’origine sibérienne) et le guldenstaedtii, ou encore le huso dauricus et le schrenkcii, on obtenait des hybrides arrivant à maturité nettement plus tôt… »

Quoi qu’il en soit, le caviar reste envers et contre tout le compagnon par excellence des moments d’exception et sa dégustation confère un plaisir à la mesure d’un prix certes toujours élevé mais qui s’explique vu la complexité de sa production…

www.caspiantradition.com

Dégustation au Members Only Golf Tour

Le caviar a gardé, dans l’imaginaire, toute sa magie. Y compris sur les greens. Les participants de notre tournoi Members Only Golf Tour sont ainsi accueillis, lors de chaque manche, par une cuillère de ce nectar. Fin spécialiste de ce produit phare, Hossein Akhlagi (Maison du Caviar) se charge personnellement de la dégustation selon les règles de l’art. Un pur régal sur la route du tee n°1…

Members Only freelance reporter

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